Conseillère de Paris et numéro 2 sur la liste Pécresse aux régionales, Nelly Garnier brandit avec autant de fierté son attachement à la droite et ses valeurs féministes
Politique de terrain, elle n’a pas peur de prendre à bras le corps des sujets couramment associés à une idéologie de « gauche ». A ses yeux, il ne devrait pas y avoir de camps quand il s’agit d’égalité des chances…
« Je défends un féminisme qui est ancré dans la réalité de la vie »
Extraits du podcast ‘Dans l’oreille de Charles’, série ‘femmes d’influence’,
Interview menée par Marine Peltier
En ce moment, l’ambiance de la campagne est un peu particulière, sans grand meeting, sans cafés politiques, sans salles pleines. C’est très différent de la politique que j’ai connue depuis 15 ans où l’effet de foule et de contact humain était très important. J’espère que l’on retrouvera très vite cette chaleur et cette émotion qui font partie de la vie politique.
Il y a quelques semaines, nous nous sommes rendues avec Valérie Pécresse et Rachida Dati aux Jardins d’Éole dans le nord de Paris, un parc où ont été réunis tous les consommateurs de crack. La population concentrée dans ce parc se trouve dans une très grande détresse. Deux viols venaient d’y être commis sous les fenêtres des riverains pour qui l’événement est traumatique puisqu’ils se sont sentis complètement impuissants.
La confrontation à ce type de réalité, en tant que responsable politique, mais aussi plus précisément en tant que femme politique, nous renvoie à l’ampleur de notre tâche. Notre rôle en tant que politique est de trouver des solutions à ces situations, c’est pourquoi nous nous y sommes rendues pour demander à l’État et à la ville de Paris de se mettre autour de la table afin notamment d’apporter une prise en charge sanitaire à cette population.
« Les élections régionales semblent assez lointaines pour de nombreux Français. La région représente pourtant un échelon du quotidien »
Les élections régionales semblent assez lointaines pour de nombreux Français. La région représente pourtant un échelon du quotidien. Elle fournit des transports en commun qui fonctionnent correctement et de nouvelles lignes qui réduisent votre temps de trajet pour vous rendre au travail. La région concerne également votre alimentation, en aidant par exemple le développement d’une agriculture bio locale en Ile-de-France ou en généralisant le bio dans les cantines. En charge des lycées, la région a également permis la mise en place de distributeurs de protections hygiéniques dans tous les lycées d’Ile-de-France pour lutter contre la précarité menstruelle.
Conseil de Paris : prévenir des violences sexistes et sexuelles ?
Récemment, de nombreuses révélations ont mis au jour des affaires de violences sexistes et sexuelles dans le milieu du sport, dans l’Église, et également au sein du Conseil de Paris où trois élus, barons parisiens, proches d’Anne Hidalgo, ont été mis en cause dans des affaires de viol. J’ai malheureusement constaté que les politiques sont toujours les premiers à dénoncer ce type d’affaires quand elles ne concernent pas leur milieu. Quand le monde politique est concerné, des réflexes d’autoprotection sont régulièrement utilisés pour se justifier. C’est finalement comme dans une famille où on dit à la victime de se taire ou on cherche à la décrédibiliser.
« J’ai demandé la création d’une autorité indépendante et transpartisane. Anne Hidalgo a refusé de s’y associer. Son adjointe m’a répondu qu’une formation en ligne allait être mise en place. Cela se passe de commentaires tellement cela représente une forme d’aveuglement et de déni sur une réalité »
Suite à ces trois affaires et forte de mes quinze années d’expérience dans le milieu, j’ai réalisé que le monde politique n’était pas capable de faire son examen de conscience sur la question. Quand nous ne sommes pas capables de faire notre propre examen et de s’autoréguler, il faut s’en remettre à une autorité indépendante. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé la création d’une autorité indépendante et transpartisane. Cette démarche a été reconnue par les féministes de tous bords : j’ai été soutenue par des élus écologistes et des élus La France Insoumise, mais Anne Hidalgo a refusé de s’y associer. Son adjointe m’a répondu qu’une formation en ligne allait être mise en place. Je crois que cela se passe de commentaires tellement cela représente une forme d’aveuglement et de déni sur une réalité.
Un élu a entre ses mains la distribution de logements sociaux, l’attribution de places en crèche, un pouvoir d’intervention auprès du plus haut niveau de l’État. Le même élu a souvent face à lui des femmes qui peuvent être victimes de violences, sans papiers, dans une situation de très grande précarité, au chômage, des mères célibataires qui ne savent pas comment faire garder leurs enfants… Il y a forcément un risque d’abus de pouvoir. Mon combat n’est pas gauche contre droite. C’est un combat d’hommes puissants face à des femmes fragiles. Quand vous êtes en situation de pouvoir, vous devez avoir une grande exigence morale et il faut des mécanismes de contrôle. Il est normal qu’il y ait des mécanismes de contrôle de l’autorité.
Féministe de droite
La gauche s’est historiquement structurée autour des rapports de classe et des mouvements populaires. En souhaitant défendre ces populations opprimées, la gauche s’est accaparée le mouvement féministe.
Ma vision de la droite est celle de la liberté. La sécurité est un sujet qui nous est cher car il vise à pérenniser une réelle liberté pour toute la population. Sans sécurité, la liberté n’existe pas. Il faut que les femmes, au même titre que les hommes, puissent être libres de se rendre quelque part, peu importe l’heure, et de s’habiller comme elles le souhaitent. Un deuxième principe fondateur de la pensée de droite est celui de l’égalité des chances, afin que chacun puisse réussir en fonction de son mérite. Cela signifie que lorsqu’une femme est aussi méritante qu’un homme, elle doit avoir la même carrière et les mêmes possibilités de réussite. C’est pour ces raisons que je me considère à la fois comme féministe et de droite : je suis à l’aise avec cette identité.
« Lorsqu’une femme est aussi méritante qu’un homme, elle doit avoir la même carrière et les mêmes possibilités de réussite. C’est pour ces raisons que je me considère à la fois comme féministe et de droite »
Je défends un féminisme qui est ancré dans la réalité de la vie. Malheureusement, souvent, on nous fait croire qu’il faudrait réécrire des siècles de littérature pour être féministe. J’ai eu la chance de grandir dans une famille où il n’y avait pas de rapports inégalitaires entre les hommes et les femmes, mais j’ai découvert ces inégalités par la réalité de la vie.
De l’amour des lettres à celui de la politique
Je viens d’une famille où on discute politique, au sens de la philosophie politique. Nous discutons ensemble de Marcel Gauchet, de René Girard ou de Claude Lefort. J’ai donc toujours éprouvé cet intérêt pour la chose publique.
J’ai étudié en classe préparatoire, puis en master de recherche en littérature à la Sorbonne et finalement, si je m’étais orientée vers l’agrégation et la recherche, moi-même fille de chercheurs, j’aurais toujours vécu dans le même monde sans jamais savoir qui sont ces gens qui mettent un costume cravate pour aller à La Défense tous les matins. J’ai eu envie de découvrir le monde de l’entreprise et j’ai réalisé un stage à la direction des études de l’UMP auprès d’Emmanuelle Mignon. J’y suis allée pour passer un entretien et j’ai été totalement subjuguée par le personnage. J’ai donc participé à cette campagne extraordinaire de 2006-2007 puisqu’elle était portée par les idées telles que les libertés, l’égalité des chances ou encore l’ouverture. Il y avait des choses qui n’étaient pas attendues de la part de la droite et c’est ce qui a fait le succès de cette campagne. J’ai été piquée par cette période et je n’ai plus voulu m’arrêter !
Trois figures politiques
Nicolas Sarkozy est un personnage extraordinaire que les gens vont à la fois adorer et détester. Il était hors norme par sa capacité de transgression et d’entraînement. Par ailleurs, j’ai fait la campagne contre Ségolène Royal, mais je trouve qu’elle représente aussi un vrai personnage. Il existe des femmes qui assument leur féminité et assument de ne pas faire de la politique comme les hommes. Elle a été la première à apporter cela dans sa manière d’être, dans une forme de sensibilité, d’intuition très forte et de co-construction. Elle a apporté quelque chose qui était assez inédit et elle avait un vrai charisme.
« Ségolène Royal représente un vrai personnage. Il existe des femmes qui assument leur féminité et assument de ne pas faire de la politique comme les hommes »
Bien qu’il soit aujourd’hui un peu descendu, j’ai toujours admiré Jean-Luc Mélenchon pour la manière dont il avait quitté sa famille politique afin de redonner un socle idéologique à la gauche. Je trouve qu’à un moment où la gauche commençait à ne plus trop savoir ce qu’elle pensait, il a fait ce choix radical de quitter son parti, de restructurer quelque chose, d’écrire des livres et de penser.
La découverte du militantisme
Après avoir fait mon stage à l’UMP, j’ai étudié à Sciences Po mais je n’y ai pas milité parce que je ne me reconnaissais pas dans le militantisme de cette école. Ce n’était pas mon milieu. Par contre, quand je suis entrée au cabinet de Chantal Jouanno à l’issue de mes études, j’ai voulu m’engager dans mon arrondissement.
« La vie militante vous confrontait à des gens qui n’étaient pas de votre milieu, qui n’était pas de votre tranche d’âge et avec lesquels vous vous retrouviez sur une vision commune pour la société et une communauté de valeurs »
J’ai donc découvert la vie militante à partir de 2012. À l’image d’Alice qui descend dans le terrier, j’ai découvert un Paris que je ne connaissais pas et qui était à l’époque très populaire. La base militante était celle du RPR, qui avait porté Jacques Chirac à la mairie de Paris. C’était des personnages. Pendant ce temps-là, j’étais étudiante à Sciences Po, j’évoluais dans un milieu jeune et j’ai découvert un monde que je ne connaissais pas. C’était la beauté de ces grands partis !
La vie militante vous confrontait à des gens qui n’étaient pas de votre milieu, qui n’était pas de votre tranche d’âge et avec lesquels vous vous retrouviez sur une vision commune pour la société et une communauté de valeurs.
Politique & consulting
En plus de la politique, je travaille chez Havas où je fais de l’accompagnement de dirigeants. Je trouve que c’est très important de continuer à travailler. D’abord parce que les politiques sont trop déconnectés du monde économique, alors que la vie en entreprise vous ancre dans la réalité. De plus, j’ai beaucoup d’attachement pour mon travail car c’est mon indépendance. Pour moi ce qui tue la politique, c’est quand des personnes en deviennent financièrement dépendantes. Cela veut dire qu’ils ne font plus leur choix par conviction mais parce qu’ils se disent qu’ils construisent des carrières. Ils font davantage de choix par opportunisme. C’est ce qui contribue à casser la confiance des citoyens envers les responsables politiques. Tant que cela sera compatible, je garderais une activité professionnelle.
« En plus de la politique, je fais de l’accompagnement de dirigeants. Je trouve que c’est très important de continuer à travailler. Ce qui tue la politique, c’est quand des personnes en deviennent financièrement dépendantes »
Évidemment, je ne travaille pas à temps plein. C’est difficile de tout combiner entre le mandat de conseiller de Paris, la campagne pour les régionales, ma vie professionnelle… Le plus difficile, c’est de moins voir ses enfants.
De l’importance de la sécurité
Nicolas Sarkozy disait toujours “Quand on est riche on a un digicode, un gardien, une serrure à trois points, donc on peut avoir les moyens de sa sécurité”. C’est pour cela que dès mon arrivée en politique, j’ai axé mon discours sur cette sécurité en direction des quartiers populaires. De même, en 2015, Valérie Pécresse a créé cette convention avec Bernard Cazeneuve pour pouvoir coproduire la politique de sécurité en Ile-de-France.
Aujourd’hui, la police régionale et un dispositif de sécurité unique en Europe, 80 000 caméras ont été mis en place pour permettre la vidéoprotection et la sécurité dans les transports en commun. Valérie Pécresse a également instauré le bouclier de sécurité, une manière de co-produire, de cofinancer des aménagements, des équipements dans les commissariats, mais aussi de venir en soutien des polices municipales. C’est ainsi que la région a pu financer un sas de sécurité dans le commissariat de Champigny-sur-Marne, qui a permis de sauver la vie de deux policiers visés par des tirs de mortier en octobre dernier. Tout cela montre que finalement quand on veut, on trouve toujours un moyen d’agir.
En matière de lutte contre les violences sexistes et sexuelles, la vidéoprotection mise en place dans les transports est importante car elle permet, dans le cadre de plainte, de s’appuyer sur une meilleure élucidation. C’est pour les mêmes raisons que nous demandons la mise en place de systèmes de vidéoprotection dans la rue, afin de prévenir ce type de violences. Par ailleurs, Valérie Pécresse demande que les femmes puissent faire des pré-plaintes en ligne depuis longtemps. Une pré-plainte vous permet par exemple, dès que vous arrivez sur votre lieu travail, de signaler qu’une agression a eu lieu. En réalité, malheureusement, quand des femmes sont agressées dans le RER le matin et que la journée passe, elles finissent par renoncer à porter plainte. La vraie problématique est l’absence de plaintes.
Beaucoup de mesures pourront être mises en place au niveau de la région. Ensuite, la société fera comme à chaque fois avancer le monde politique vers une prise de conscience plus globale sur les violences sexistes et sexuelles.
Prenons les grands mouvements d’opinion qui surgissent sur les réseaux sociaux et sont beaucoup critiqués : il faut avouer que ces mouvements sont plus efficaces que les politiques des trente dernières années. Il faut quand même en tirer certaines conclusions. Cela montre une forme d’impuissance de la démocratie représentative.
Pour moi, la lutte contre ces violences n’est pas un combat de vie. C’est un combat de survie et je trouve que c’est très beau comme terme. Ce sont des combats de survie.
Une activité pour vous détendre ?
La lecture est quelque chose de très important pour moi. Je lis beaucoup d’essais de philosophie politique sur mes heures de réflexion, mais quand c’est pour moi, je lis de la littérature ou de la poésie.
J’aime Philippe Jaccottet, Yves Bonnefoy et Julien Gracq.
La chose que vous avez appréciée refaire après le confinement ?
Profiter des soirées ! Ce qui est très agréable au mois de juin, c’est quand même le soleil qui se couche plus tard, et donc le couvre-feu était difficile à vivre.
Si vous deviez imaginer une fiction, un scénario idéal pour les prochaines élections présidentielles ?
L’élection présidentielle requiert des qualités très particulières, une réelle envie et une connexion avec le peuple français. N’importe qui ne peut pas y aller ! Je ne pense pas qu’il faut absolument que ce soit une femme qui soit élue présidente de la République. L’important, c’est de se dire que c’est possible et le jour où une femme qui a l’envie, les compétences, l’empathie, le soutien et la volonté d’y aller, il faudra se souvenir que le combat n’est pas perdu d’avance parce qu’elle est une femme.
Si vous n’aviez pas fait de la politique, vous auriez fait quoi ?
Quand j’étais petite, j’avais envie d’être jardinière, j’aurais peut-être choisi quelque chose en lien avec la nature.
Le mot de la fin ?
Je pense régulièrement une phrase de Michel Houellebecq qui était interviewé par Laure Adler dans ‘Le Cercle de minuit’ en 1994 : “Je ne crois pas que la beauté puisse sauver quoi que ce soit, mais elle aide à vivre individuellement”. C’est ainsi qu’est mon rapport à la littérature. Comme disait Proust, la seule vie réellement vécue, c’est la littérature.
Je crois en un projet collectif et c’est pour ça que je me suis finalement dirigée vers la politique. Je crois qu’on a quelque part collectivement une communauté de destin. J’aime cette idée.
A lire également