Daniel Cohn-Bendit : « En 1984, quand je vais voter pour la première fois, j’ai les mains moites. J’avais 40 ans. »

Comment Daniel Cohn-Bendit s’est-il politiquement converti à l’écologie ? Le leader de Mai 68 et soutien d’Emmanuel Macron revient sur son parcours idéologique et militant, des communautés alternatives de Francfort jusqu’à la présidence de François Hollande dans cet entretien pour Charles paru en Septembre 2014. Interview par Arthur Nazaret. Illustration Isaac Bonan. 

Pour beaucoup votre image reste liée à celle de Mai 68. Vous faites ensuite une longue carrière politique chez les Verts. Avec le recul, y avait-il une dimension écologiste dans Mai 68 ?
Non, mais Mai 68 est un moment important de réflexion sur le mode de vie dans les sociétés modernes. Après, il y a une transition possible vers l’écologie. Moi je suis un peu malin comme Cornelius Castoriadis. Lui aussi a mis du temps pour sortir de la matrice marxiste et pour arriver à l’écologie après la psychanalyse. Les choses évoluent. Après, il y a toujours eu des penseurs qui ont une réflexion contre la technique. On peut remonter jusqu’à Heidegger et se perdre dans les méandres de la philosophie.

Parmi ceux qui ont fait 68, vous êtes le seul à finir politiquement là où vous êtes…
À part les « trotskards » qui finissent dans le trotskisme, la plupart ont arrêté la politique. Dans les personnes qui ont émergé et dont les noms sont connus, beaucoup sont devenus journalistes, cinéastes, philosophes. Ou rien du tout. Cela dit, beaucoup de militants de 68 ont abouti dans l’écologie mais sans forcément être connus.

« Mai 68 est un moment important de réflexion sur le mode de vie dans les sociétés modernes. »

À cette époque, certains jeunes intellectuels, comme Robert Linhart, ont choisi de « s’établir », c’est-à-dire d’aller travailler en usine. Pourquoi pas vous ?
Cela aurait été une expérience intéressante mais nous, nous ne voulions pas devenir une avant-garde. Nous voulions savoir quel type de nouveau rapport nous pouvions créer et développer en apprenant la réalité de la vie, en étant capables de pouvoir évaluer les moments de crises dans le travail. Cela venait de la tradition « opéraïste » italienne, la tradition des révoltes ouvrières en Italie dans les années 70.

Vous allez ensuite vivre à Francfort, où vous participez notamment aux manifestations contre l’extension de l’aéroport. Racontez-nous cet épisode.
Il y avait dans les années 70 de grandes manifs contre l’extension de l’aéroport de Francfort. Des groupes occupaient une partie de la forêt. Du fait de notre influence dans le milieu alternatif, j’étais une petite grande main. C’était la même problématique que Notre-Dame-des-Landes aujourd’hui. On considérait comme inutile ce projet d’extension qui crée des tas de problèmes environnementaux en augmentant toujours les capacités des avions et empêche de développer d’autres transports en commun ou de chercher à relier les villes autrement. Il y avait, chez nous, une simplification du débat et une part d’hypocrisie. Beaucoup de monde manifestait mais évidemment prenait l’avion pour partir en vacances.

Et le fin mot de l’histoire ? L’aéroport s’agrandit ?
Oui il s’agrandit.

À Francfort, vous vivez en communauté et faites partie du milieu alternatif allemand. Quel est votre cheminement pour passer de ce mode de vie à la marge à un engagement politique plus traditionnel ?
On vivait dans le milieu alternatif de Francfort. C’était : « Il faut changer la vie tout de suite. » Il y avait les mouvements alternatifs, les communautés, les petites entreprises autogérées… Là-dessus, les premiers grands mouvements écolos, antinucléaires et pacifistes apparaissent. Je me suis dit que si nous voulions stabiliser les choses, ce n’était pas simplement en étant dans

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