Brésil, l’insurrection qui vint

PAR SEBASTIEN LAPAQUE
PHOTOS LEANDRO MANTOVANI

 Mardi 11 juin 2013, l’aube était d’un joli bleu mêlé de jaune, au-dessus de Rio de Janeiro, avec des lambeaux de nuages rouges aux franges noires. J’étais heureux comme un enfant  de retrouver le Brésil. Venu ici pour saluer les toucans cachés dans les arbres bicentenaires du Jardin botanique, revoir les aquarelles de Jean-Baptiste Debret au musée Castro Maya, relire quelques poèmes de Carlos Drummond de Andrade et saluer sa haute mémoire, je ne m’attendais pas à découvrir une ambiance insurrectionnelle dans le pays. Il faut dire que le climat était paisible, cette matinée du 11 juin ; je regardai le jour se lever à travers une grande baie vitrée et je ne songeai à rien d’autre qu’à me laisser griser par la poésie des annonces d’embarquement et par cette voix métallique qui psalmodiait Brasília, Belém, Macapá, Florianópolis en marquant bien les accents toniques.

Avant de quitter l’aéroport international, j’achetai O Globo, O Estado de S. Paulo, le magazine Veja et l’édition locale du Monde diplomatique. Ici et là, je découvris bien quelques flèches visant Dilma Rousseff, élue présidente de la République du Brésil en octobre 2010 après deux mandats successifs de son mentor Luiz Inácio Lula da Silva. Mais rien ne me sembla sortir de l’ordinaire. Au Brésil comme en France, la droite ne supportait pas de voir la gauche installée à la tête de l’État : comme si les domestiques avaient pris le pouvoir. Et au Brésil comme en France, la gauche s’était fait un devoir d’obéir aux commandements des marchés dès qu’elle s’était installée dans les lieux du pouvoir. Cela suscitait l’ironie des uns, la tristesse des autres. Nous autres, Français, étions habitués. Certains furent déçus en 1981 ; qui prétendra l’avoir été en 2012 ? Nous ne pouvions pas oublier contre qui nous avions voté. Au Brésil, les lendemains qui déchantèrent furent plus difficiles. Cette pusillanimité de la gauche arrivée aux affaires : comme si toute tentative d’arraisonnement du capitalisme financier devenu fou risquait d’entraîner l’humanité dans l’enfer d’une nouvelle expérience totalitaire. Le PT, qui régissait 200 millions de Brésiliens depuis dix ans, mit moins de dix semaines à oublier ses discours de campagne en faveur d’un programme socialiste à la fois révolutionnaire et réalisable : nationalisation des banques et des principales industries, réduction de l’éventail des revenus, instauration d’un système d’éducation sans privilèges de classe sans oublier la réforme agraire à laquelle revient la palme de promesse électorale la plus reniée : au Brésil, on en parlait déjà dans

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