Tu parles, Charb !

Le rédacteur en chef de Charlie Hebdo, Stéphane Charbonnier, dit Charb, nous a accordé un long entretien en juin 2013 dans lequel il revient sur sa carrière de dessinateur politique et satirique, amoureux fou du trait de Cabu, son maître, mais aussi sur sa protection policière qui venait d’être renforcée depuis que le journal en langue anglaise « Inspire« , financé par Al-Qaïda au Yemen, avait publié sa photo avec la mention « Wanted Dead or Alive« . Hommage de Charles à Charlie

PAR ARNAUD VIVIANT
PORTRAITS PATRICE NORMAND / TEMPS MACHINE

Naissance ?

Ma mère a dépoté à Conflans-Sainte-Honorine en 1967. Mais j’ai grandi juste à côté dans le Val d’Oise, à Pontoise. À l’époque, c’était encore la Seine et Oise. Mes parents y vivent toujours.

Que font-ils ?

Ils sont aujourd’hui retraités. Mon père travaillait à France Télécom en tant que technicien et ma mère était secrétaire d’un huissier de justice jusqu’à la naissance de mon petit frère. Après s’être arrêtée un moment, elle a repris son poste de secrétariat mais à l’Éducation nationale, dans un LEP.

Ton père est parti à la retraite récemment ?

Ah non. À l’époque, France Télécom faisait le ménage et ils ont fait des wagons de volontaires qui voulaient partir plus tôt. Il est parti à 55 ans (là, il en a 70) quand ils ont commencé à privatiser un peu. Et d’ailleurs, ça a posé des problèmes, car trop d’employés sont partis d’un coup, et ça a vidé France Télécom de tous les gens qui avaient un peu d’expérience. 

Ton père a une opinion sur les suicides à France Télécom ?

Non, parce qu’il n’a pas été confronté à ce genre de problèmes, ou du moins, il ne m’en a jamais parlé. Même s’il ne détestait pas son boulot, son plus grand bonheur dans la vie a quand même été de partir à la retraite.

Lycée ?

J’ai tout fait à Pontoise : l’école primaire, le collège, le lycée. Je ferai peut-être le cimetière à Pontoise, qui n’est pas très loin, lui non plus. Tout est dans le même quartier.

C’était comment Pontoise à cette époque ? J’imagine que ça a beaucoup changé ?

Pas trop non, contrairement à la ville nouvelle d’à-côté, Cergy, qui s’est beaucoup développée. À Pontoise, on habitait dans un des immeubles neufs à la frontière de la ville, construits à la fin des années 60. Il y avait le quartier dans lequel j’habitais, et puis après les champs. Les champs ont reculé un peu, mais d’un kilomètre en quarante-cinq ans, pas énormément. C’est le quartier un peu neuf de Pontoise, mais ça fait déjà un moment qu’il est neuf… Il y a quelques nouvelles constructions qui pointent de ci, de là, mais c’est un quartier qui n’a pas tellement bougé depuis les années 70. 

Ce n’est pas ce que TF1 appelle aujourd’hui le drame des banlieues ?

Non, pas du tout. De temps en temps, ça pète. Aux dernières émeutes, ils ont mis le feu au théâtre national à Pontoise (qui est aussi dans le quartier), mais moi quand j’y vais (ça craint peut-être un peu plus aujourd’hui), je n’ai pas l’impression d’être en banlieue telle qu’on la décrit à la télé, puisque j’y ai toujours vécu et que je n’y suis pas un étranger. C’est chez moi. Si on me foutait dans une banlieue équivalente, peut-être que je me dirais « Tiens, c’est la banlieue », mais là, je me dis juste : « Tiens, c’est Pontoise. » D’ailleurs, je n’ai jamais été emmerdé. Je ne me suis jamais fait dépouiller et aucun de mes copains ne s’est jamais fait emmerder, aussi bien gamins que maintenant. 

Tes parents avaient des opinions politiques que tu connaissais enfant ?

Oui. Ils votaient et votent encore socialiste avec des pincettes, un peu moins dernièrement. Ils ont voté Front de gauche aux dernières élections. J’ignore s’ils le referont mais pour eux, je crois que c’était la première fois qu’ils votaient autre chose que socialiste. 

Ils étaient très engagés ?

J’ai toujours su qu’ils étaient de gauche, mon père ne supportait pas qu’on dise du mal des fonctionnaires. J’ai une famille assez nombreuse, plutôt de droite, voire d’extrême droite. Mon grand-père était au Front national, il avait sa carte. Cela créait une polémique avec ma grand-mère qui était de droite (mais tout de même pas FN,) parce qu’au-delà des idées, elle trouvait déplacé de débattre de politique durant les repas de famille. Mon grand-père a dû décrocher la photo de Le Pen qu’il y avait au mur. Il a mis à la place un calendrier de gonzesses à poil pour faire chier ma grand-mère.

C’était ton grand-père paternel ?

Oui. Toute la famille de mon père vit à Pontoise, il y a plein de Charbonnier à Pontoise, quasiment tous de la famille. Quand le FN a commencé à exister dans les années 80, mon grand-père était un épicier qui a eu sa carte et partageait ces idées-là. Il a pourtant vendu sa boutique à des Marocains qu’il aimait bien. Je ne l’ai jamais perçu comme un raciste (c’était à mon avis plus un gros con qu’un raciste) et quand on lui demandait pourquoi il votait ça, il répondait : « Je pense à votre avenir, c’est pour votre bien que

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