Sans eux, rien n’aurait été possible. Les artistes, graphistes et lithographes ont certainement créé Mai 68. Bien sûr, ils ne sont pas responsables des événements, mais l’esprit politico-surréaliste de cette révolution vient d’eux ! C’est du moins la thèse de Jérôme Duwa, docteur en histoire de l’art contemporain. Autant la révolution de 1848 était conduite par des littéraires et des écrits, autant Mai 68 est mené par des artistes qui vont définitivement établir la suprématie de l’image dans notre société. Qui sont les véritables auteurs de ces affiches ? De jeunes étudiants à peine sortis du lycée, des prolos en phase de conscientisation ou des artistes subjugués par les paradis communistes ? Et puis, quel rôle ont vraiment joué ces graphismes révolutionnaires dans l’essor de ce mois de mai à la fois si tendre et si violent ? En tout cas, les affiches des écoles occupées témoignent que le rêve était bien là, sous les pavés du Quartier latin. Comme cette affiche idyllique où l’on voit Bébert, l’ouvrier en salopette, et Fifi, l’étudiant en col roulé, main dans la main, coudes serrés et les yeux grands ouverts sur leur révolution en marche.
PAR ZVONIMIR NOVAK
Les camarades artistes prennent le pouvoir
Tout a commencé bizarrement, dans le feu de la spontanéité. Après la grande manif du 13 mai 68, conduite par l’idole des étudiants, Daniel Cohn-Bendit, un groupe de copains artistes-peintres s’interroge : mais pourquoi laisser inoccupée l’école des Beaux-Arts, la maison de tous les artistes ? Partis à 8, ils se retrouvent plus de 300 le lendemain matin dans les locaux de ce magnifique palais, situé quai Malaquais à Paris. Aussitôt les peintres Gérard Fromanger et Merri Jolivet tirent des affiches en procédé lithographique sur une presse à bras. À ce moment précis, il est hors de question de les coller, l’objectif est de les vendre au profit des étudiants en grève. Le triple U (« Usine. Université. Union »), produit à seulement 30 exemplaires, est la première sérigraphie d’une production de plus de 500 affiches. Tous les codes plastiques des affiches de Mai sont déjà là : simplicité des graphismes poussée à l’extrême, clarté des messages et articulation parfaite du texte dans la composition générale.
Le 16 mai, des artistes politisés venus de l’extérieur, associés à des élèves de l’école, inscrivent solennellement à l’entrée de la salle de lithographies : « Atelier populaire oui, atelier bourgeois non. » Une affichette placardée indique le
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