ÇA SE CORSE À L’ASSEMBLÉE !

Pour la première fois dans l’histoire de la République, TROIS NATIONALISTES CORSES siègent dans l’hémicycle. Isolés parmi les 577 élus, accusés par certains députés de défendre des intérêts locaux au lieu de ceux de la nation, difficile pour eux de faire entendre leurs revendications. Après avoir échoué à constituer un groupe parlementaire, ces partisans de l’autonomie du « peuple corse » tentent de trouver des alliés sur les bancs du Palais-Bourbon. Et ils y parviennent.

PAR LORIS BOICHOT
PHOTOS ARNAUD MEYER/LEEXTRA

Le buste de Marianne, ceint de son écharpe tricolore, n’a jamais vu autant de drapeaux à la tête-de-Maure. Ni entendu un « Dio vi salvi Regina » – l’hymne corse dédié à la Vierge Marie – aussi enthousiaste. Dans cette mairie de Bastia conquise en 2014 par les nationalistes, les militants chantent à nouveau. Ce 18 juin 2017, Michel Castellani, 72 ans, fait tomber la figure locale Les Républicains (LR), Sauveur Gandolfi-Scheit, et se laisse porter en triomphe sous le porche de l’hôtel de Ville, sur les épaules du président de la collectivité de Corse, Gilles Simeoni. Sous les hourras, on a vu les cheveux du sage professeur émérite en désordre, ses pans de chemise sortir du pantalon.

Dans le Sud, Paul-André Colombani, 50 ans, médecin discret engagé depuis trois ans en politique, arrache la circonscription qui englobe Ajaccio, Bonifacio et Porto-Vecchio, détenue depuis 1928 par les gaullistes de Rocca Serra, de grand-père en petit-fils. « Si tu perds, personne ne t’en voudra», lui avait-on soufflé pendant la campagne, tant la bataille semblait ingagnable. L’hyperactif Jean-Félix Acquaviva, 44 ans, devient député de Haute-Corse, de Calvi à Corte et prend la suite du radical socialiste Paul Giacobbi, élu depuis quinze ans. Le vétéran, le novice en politique, l’égérie de la jeune garde : les symboles de trois générations du nationalisme fêtent leur victoire.

Pas de vague en Marche ! dans l’île. À la place, trois circonscriptions remportées sur quatre par les nationalistes, avec des résultats compris entre 55 % et 63 % des voix. « Une victoire historique» pour les militants, qui y voient une « rupture avec le clientélisme et le clanisme» – l’appellation corse du « système ». Pour la première fois, la Corse – 330 000 habitants, 0,5 % de la population française – envoie ce soir-là à l’Assemblée nationale française trois députés nationalistes, issus de la coalition Pè a Corsica (« Pour la Corse ») formée par l’indépendantiste Jean-Guy Talamoni et l’autonomiste Gilles Simeoni, à la tête de l’île depuis leur victoire aux régionales de 2015, confirmée par leur triomphe aux territoriales de décembre 2017.

Membres du parti Femu a Corsica (« Faisons la Corse ») de Gilles Simeoni, les néodéputés deviennent vite trois pièces maîtresses de la stratégie d’« ouverture» et de « dialogue» de l’exécutif corse avec le gouvernement, alors que s’engage la réforme constitutionnelle. Une occasion historique de voir triompher les revendications de ces défenseurs d’une « nation corse » : coofficialité de la langue corse avec le français, rapprochement puis amnistie des « prisonniers politiques », création d’un statut de résident pour lutter contre la spéculation immobilière, en réservant l’achat de biens immobiliers aux personnes justifiant d’une certaine durée de résidence en Corse. Et, bien sûr, une

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