Une brève histoire graphique de l’antimilitarisme

Quand, en février 1996, Jacques Chirac décide de supprimer le service militaire obligatoire, il signe là, sans le savoir, l’arrêt de mort d’un antimilitarisme virulent et omniprésent. La fin des bidasses dans les casernes, remplacés par des professionnels disciplinés, entraîne instantanément l’extinction du domaine antimilitariste. Depuis la flambée de Mai 68, le gauchisme, cette « maladie infantile », comme l’écrit Lénine, s’implante dans les lycées, les facs et investit en force le monde de la culture. Et c’est ainsi que toute une génération grandit dans le rejet du kaki. Débordants d’enthousiasme et avec un culot sans borne, les rejetons de Mai développent, à travers une propagande diablement subversive, une contre-culture iconographique d’une insolence dévastatrice. Alors qu’on parle de rétablir le service national obligatoire, n’est-il pas temps de prendre un bain de jouvence, en se replongeant dans les années folles de l’antimilitarisme ?

PAR ZVONIMIR NOVAK

CONTRE LA GRANDE MUETTE

Pour trouver l’origine de cette haine profonde des classes laborieuses envers les galonnés, il faut remonter à mai 1871, à la Commune de Paris. Pendant la Semaine sanglante, horrible et sans quartier, des milliers de Parisiens sont exécutés par l’armée. Le traumatisme des habitants laissera des rancunes tenaces dans la mémoire des gauches. L’armée ne sert plus à protéger les citoyens, entend-on dire dans les faubourgs, elle sert à réprimer le peuple. Au début du XXème siècle, de nombreux journaux se font l’écho de cette rupture entre l’armée et les citoyens. Le plus connu, L’Assiette au beurre, une revue libertaire considérée à juste titre comme l’ancêtre de Charlie Hebdo, développe un antimilitarisme visuel explosif  à travers des dessins satiriques et crânement subversifs. La couverture du numéro 1 de mai 1905 relate les nombreuses grèves de l’époque, alors réprimées à coup de baïonnettes. L’Assiette au beurre ne se contente pas de pleurer les morts, elle traite avec insolence et mépris les hauts gradés et accuse les sous-officiers de faire subir aux braves pioupious les pires horreurs. Ses accusations passent toujours par la dérision et l’excès, une attitude que l’on appelle aujourd’hui « l’esprit français ». Ces charges dessinées ne sont que l’expression d’un sentiment de rejet. Les anarchistes, alors très influents parmi les ouvriers, entretiennent cette aversion de l’armée à travers de nombreuses publications, comme Le Sou du soldat ou Le Conscrit, tiré à 100 000 exemplaires… Ah oui, quand même ! La CGT, influencée par le syndicalisme révolutionnaire, n’a-t-elle pas placée l’action antimilitariste au cœur de sa propagande ? Après la grande saignée de 14-18, les organisations antimilitaristes pullulent. Il faut que cette Première Guerre mondiale soit la der des ders. En 1931, le journaliste Victor Méric fonde la Ligue internationale des combattants de la paix (LICP) ; celle-ci prône un pacifisme intégral, son slogan « Plutôt Hitler que la guerre » paraît être aujourd’hui d’une grande stupidité.

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