Pascal Bruckner : « La haine de l’argent est enraciné dans la culture française »

Dans son dernier ouvrage La Sagesse de l’argent (Grasset), Pascal Bruckner fait de la réussite par l’argent une valeur en soi. Mais pour cet essayiste, passé de la gauche anarchiste au libéralisme bon teint, en finir avec le tabou de l’argent est aussi, bien sûr, un idéal politique. D’ailleurs, s’il votait des deux mains Sarkozy en 2007, il ne cache plus aujourd’hui son intérêt pour Emmanuel Macron.

PROPOS RECUEILLIS PAR ASTRID DE VILLAINES
PORTRAITS SOPHIE CARRERE

À quel moment vous est venue l’idée d’écrire sur le thème de l’argent ?

L’argent est devenu un souci dès mon entrée dans l’âge des responsabilités. Quand on est jeune, on s’imagine que le temps est illimité. Après la cinquantaine, on se dit que l’argent permet de conjurer la pire des choses : l’alliance de la pauvreté et de la vieillesse, la double disgrâce. L’argent vous donne du temps, permet d’échapper à la dictature du présent : il vous offre un avenir possible.

Vous évoquez, à de nombreuses reprises, la « jouissance apaisée » qu’il faudrait avoir vis-à-vis de l’argent. Y arrivez-vous dans votre vie personnelle ?

Pas toujours. Par sagesse, j’entends une forme de distance heureuse par rapport à l’argent. Mais pour y arriver, il faut en avoir, et pour en avoir il faut s’en être soucié, avoir travaillé dur. À moins d’être un héritier, l’argent est un serviteur qui vous dicte les conditions de son obéissance à votre égard. Il nous libère de la nécessité mais pas de la nécessité de l’argent. Un peu comme le corps : la santé signifie le silence des organes, mais pour que ce merveilleux silence se perpétue, il faut se soucier de sa santé, l’avoir ménagée. 

Qui incarne le mieux ce principe dans le paysage politique actuel ?

Personne vraiment, mais à sa façon Donald Trump est un milliardaire militant. Il a gagné tellement d’argent qu’il veut faire profiter les Américains de sa richesse et les encourager à suivre son exemple. Mais Trump, avec toute sa vulgarité, réhabilite aussi le rôle de l’État redistributeur de richesses contre l’establishment conservateur qui a laissé se développer de monstrueuses inégalités. C’est l’une de ses contradictions, et pas des moindres, qui explique son succès dans les classes populaires.

Vous critiquez de Gaulle, Mitterrand et Hollande qui fustigent « l’argent roi » ou la finance dans leurs prises de positions politiques. Ne faut-il pas tout simplement accepter ce tabou français ?

On n’en finit jamais avec les tabous de son pays. Le tabou sur

Vous voulez lire la suite ?

Profitez de tous les articles de Charles en illimité !

Inscrivez-vous et bénéficiez de 8 semaines d’essai gratuit sans aucun engagement.
Recevez chaque semaine Charles l'hebdo

Essai gratuit 8 semaines

Acheter l'article
pour 3€

Acheter

Tout Charles en illimité
L’hebdo, les podcasts, le site
Dès 6€ / mois

S'abonner

Vous avez déjà un compte ? Identifiez-vous

X