François Bayrou: « Je ne suis pas fasciné par le pouvoir »

Trois fois candidat à la présidentielle, le maire de Pau est sans doute la personnalité qui incarne le mieux le centrisme aujourd’hui. Le jour de notre entretien, il accueille, dans ses locaux, l’assemblée générale des Amis du MRP, le mouvement centriste créé à la Libération. Un moment parfait pour évoquer avec François Bayrou les racines de son engagement, les figures de sa jeunesse − Jean Lecanuet et Raymond Barre −, ses réussites et ses traversées du désert. Mais aussi son avenir qu’il rêve… central. Évidemment.

PROPOS RECUEILLIS PAR JEREMY COLLADO
PORTRAITS SOPHIE CARRERE

Il y a une phrase de Bismarck que vous appréciez, je crois, et qui s’applique totalement à vous, à votre espoir politique. « Dans un système à trois puissances, il faut être l’une des deux. » Dans l’histoire, le centre a rarement été l’une des deux… 

Cette phrase de Bismarck est très juste… quand on est dans une vie politique à trois partis !… Il se crée naturellement une alliance à deux contre un. Le problème est que la Vème République ne se prête pas aisément à ce jeu. Cela a d’abord été un système à deux, « droite » contre « gauche ». Giscard a essayé de gouverner au centre, autrement dit de prendre par le centre le contrôle de la droite, d’être le leader de l’un des deux camps. Il n’a pas été loin d’y parvenir ! Il a fait beaucoup de choses. Seulement, sa majorité était composite, puisqu’il avait été élu contre Chaban-Delmas par l’alliance du centre et de la droite la plus à droite de l’époque : Garaud, Juillet, et le jeune Jacques Chirac qui en était le porte-parole… Et cet attelage composite a donc explosé, comme la majorité d’aujourd’hui explose avec les Montebourg, Taubira, etc. L’irruption du Front national crée en apparence un système à trois, mais ingouvernable puisque toute alliance avec lui est déclarée impossible. De surcroît d’innombrables Français ne se reconnaissent dans aucun des trois partis dominants. Il va donc falloir apprendre à vivre une réalité très oubliée en France, le pluralisme.

Comment définiriez-vous cette idée du centre en politique ? Le centre est-il, comme le disait François Mitterrand, « ni à gauche, ni à gauche » ? Ou encore « ni-ni » : ni à gauche, ni à droite ?

Sûrement pas. Le centre doit se définir positivement, et non pas négativement. Le centre est d’abord un idéal. En vérité, tout choix politique qui dure est d’abord un idéal. L’opportunisme ne dure pas. Le centre est une vision du monde et de l’histoire, qui a ses racines dans la pensée de Pascal, de Montaigne, de Montesquieu, et se rattache à de grands choix historiques comme celui que conduisit Henri IV avec l’édit de Nantes. Pascal, parce qu’il a défini avec sa thèse de la « distinction des ordres », une société qui ne peut plus être soumise à un pouvoir unique : ni le seul pouvoir religieux, ni le seul pouvoir politique, ni le seul pouvoir scientifique. Ainsi l’être humain n’est plus soumis à une autorité totale, il retrouve sa liberté de penser, de croire, sa liberté civique. Montaigne, parce qu’il refuse d’être entraîné dans les sectarismes, dans la guerre des clans, et qu’il cultive la modération. Montesquieu, parce qu’il sape les fondations du pouvoir absolu. Et Henri IV parce qu’il fait entrer tout cela dans la réalité de la vie d’un peuple, en arrachant la France aux guerres de religion, et en affirmant qu’on peut avoir les mêmes droits, même si l’on n’a pas la même religion.

Cela, c’est pour la philosophie et pour l’histoire ? Et pour la politique, par exemple pour l’économie ?

Le centre par pragmatisme, par observation de la réalité, ne croit pas à l’économie dirigée. Il ne croit d’ailleurs à aucun dirigisme. Il doute absolument qu’une autorité centrale puisse remplacer les millions d’imaginations individuelles, qui dans le monde de la recherche ou

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