Les Quatre Mercenaires – l’élection de 2017 imaginée par Jérémy Collado

Journaliste politique passé par les écoles Serge Moati et Franz-Olivier Giesbert, Jérémy Collado rédige ses enquêtes chez Slate, Charles ou encore Les Inrockuptibles avec une écriture qui n’est jamais très éloignée du genre romanesque. Il était donc naturel qu’on lui réclame de participer à cette collection de fictions politiques. Il a 26 ans, vit à Marseille et publiera prochainement son premier livre.

Le bras se tend, lentement, vers la grande bibliothèque en acajou qui habille les murs de cette pièce immense et fermée à clé. L’index commence par effleurer la reliure jaune abîmée par les années, puis la tapote comme pour l’engueuler. La main écarte ensuite les deux livres qui jouxtent l’ouvrage de Georges Bernanos et l’empoigne, l’ouvre délicatement pour feuilleter les premières pages dont se dégage une odeur subtilement humide. C’est La France contre les robots, publié en 1947. Une édition originale certainement précieuse et coûteuse. L’ouvrage dans les mains, Jean-Luc Mélenchon se retourne brusquement. Et lance fébrilement aux trois hommes assis en face de lui,  autour d’une magnifique table en verre : « Bernanos ! Bernanos ! Ou comment la France refuse de se laisser dicter sa conduite par la technologie ! Bernanos, c’est l’esprit français, voilà quelque chose qui nous réunit, quand même, non ? »

Les visages de François Bayrou, Nicolas Sarkozy et François Hollande se crispent sous l’effet de cette nouvelle salve lancée par le candidat du Front de gauche. Leurs visages semblent se rallumer d’une angoisse qu’ils ne contrôlent pas. Voilà quinze minutes qu’ils n’ont pas ouvert la bouche, laissant le monopole de la parole à l’orateur sublime de la Bastille, qui vient de réunir 6 % des suffrages à la présidentielle de 2017, après une campagne où le PCF est revenu à son étiage habituel. Voilà quinze minutes qu’ils sont là, tétanisés par l’enjeu, pris de court par ce qu’ils n’imaginaient pas même dans leurs pires cauchemars. Voilà quinze longues minutes qu’ils sont sidérés et muets, enkilosés par ce que personne n’osait prévoir, pas même les instituts de sondages dans leurs plus sinistres projections. Le résultat a foudroyé le paysage politique français. Jusqu’ici, on s’était habitués à la succession ininterrompue de la droite et de la gauche, sans percevoir qu’en profondeur, le pays ne se sentait plus représenté. La crise grondait depuis longtemps, en sourdine, quand soudain l’éruption. Jusqu’ici, qui s’en souciait ? Mais quinze petites minutes, est-ce vraiment suffisant pour prendre conscience de ce qui vient d’arriver ?

Au soir du premier tour, Marine Le Pen vient d’être élue présidente de la République avec 52% des voix. Elle n’aura même pas besoin de second tour. Elle triomphe, de la Concorde jusqu’aux Pyramides, où elle a rendu hommage à Jeanne d’Arc, devant une statue qui n’avait jamais vu une

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