Souvent photographiée, plus tard chantée par Renaud, Baltique, la chienne labrador de Mitterrand était devenue dans les années 90 une star de la politique. Au point que deux mois après la mort de son maître, paraissent sous son nom des Aboitim, version à la fois mordante et cabotine des Verbatim de Jacques Attali. De faux Mémoires qui n’épargnent personne dans la Mitterrandie et se tailleront un tel succès en librairie qu’on en publiera quatre tomes. Mais quel impudent osait ainsi révéler les petits secrets de l’Élysée, dissimulé derrière la chienne ? De qui Baltique est-elle le nom ? Bien gardé, le mystère aura duré vingt ans. Jusqu’à ce que Charles enquête et déniche le véritable auteur.
PAR JEAN-BAPTISTE DAOULAS
ILLUSTRATIONS CLEMENT QUINTARD
« Mais Madame, n’achetez pas ça ! » En apercevant le livre honni entre les mains d’une jeune femme, le sang de Roger Hanin ne fait qu’un tour. L’acteur fonce en direction du stand où l’ouvrage est exposé et tente de raisonner celle qu’il prend pour une simple visiteuse du Salon du livre. « Pourquoi ? Ce ne sont que des mensonges, des affabulations ? » lui rétorque la collaboratrice de la maison d’édition Hachette-Carrère. « Pire ! » tonne le beau-frère de François Mitterrand « C’est le livre de la trahison ! »
Depuis, une vingtaine d’années se sont écoulées mais l’éditeur René Guitton narre toujours avec la même gourmandise la colère des proches de François Mitterrand à la publication des Mémoires de Baltique, la chienne adorée du président. Parmi la flopée d’ouvrages qui ont suivi sa disparition, celui du labrador est à la fois le plus cabot mais aussi le plus mordant avec les commensaux de la Mitterrandie : Jacques Attali, dont les Verbatim sont moqués par Baltique à travers le titre choisi pour ses « mémoires d’outre-niche » : Aboitim. Ou bien le couple Jack et Monique Lang, dont une scène de ménage retentissante, la nuit du 31 décembre 1995, dans le secret de leur chambre de la bergerie de Latche, est impitoyablement restituée par le quadrupède.
En cette année 1996, Baltique aboie avec une connaissance si fine des secrets nichés derrière les hautes grilles du palais de l’Élysée que les rumeurs les plus folles courent dans Paris sur l’identité du traître dissimulé dans l’ombre du labrador. « Le texte était tellement précis et bien écrit qu’un jour une journaliste m’a dit : C’est François Mitterrand lui-même qui l’a écrit ! » sourit l’éditeur d’Aboitim. « Qui aboie derrière Baltique ? » titre Paris Match en janvier 1997 dans un article accompagnant les bonnes feuilles du deuxième tome d’Aboitim. Roland Dumas ? Anne Lauvergeon ? Georges-Marc Benamou ? Erik Orsenna ? La liste des suspects s’allonge, la colère des proches du président gronde, mais l’anonymat du coupable reste soigneusement protégé par René Guitton. À l’époque, l’éditeur résiste à toutes les pressions, à tous les stratagèmes, y compris aux questions d’accortes créatures qui – à l’en croire – seraient venues lui tirer les vers du nez. On flirte avec le roman d’espionnage : « Un jour, un rédacteur en chef de Paris Match m’appelle et me dit : “Vous avez passé un bon week-end avenue Montaigne ? On a une photo de vous sortant de chez Marie-Claire Mendès-France avec Jack Lang”. »
Le flou
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