À armes inégales

La carrière d’Alain Duhamel, 75 ans, commence à l’ORTF, lorsqu’il anime l’émission « À armes égales », suspendue trois ans plus tard par le pouvoir. Depuis, il est devenu avec son ami Jean-Pierre Elkabbach une figure de référence de l’interview politique en France. Un genre qu’il juge aujourd’hui dénaturé par le média-training, au détriment de la parole vraie.

PROPOS RECUEILLIS PAR CESAR ARMAND
PORTRAITS PATRICE NORMAND

Vous avez présenté ou participé à de nombreuses émissions politiques depuis 1970. Quels changements avez-vous pu observer dans le comportement de vos invités ?

Aujourd’hui, les hommes politiques ne répondent plus du tout de la même manière que lorsque j’ai commencé. À l’époque, il y avait encore des relations quasi hiérarchiques entre le personnel politique et les journalistes de la télévision publique. Ils nous regardaient presque comme des collaborateurs ! Désormais, les choses se sont inversées : ce sont les hommes et les femmes politiques qui sont demandeurs. Dès qu’un de leurs amis ou rivaux est interrogé, ils estiment qu’il est indispensable qu’ils soient entendus eux aussi. En revanche, leur façon de s’exprimer a changé. En mal. Avant, ils parlaient de manière spontanée tout en étant préparés. Maintenant, ils adoptent un langage convenu, lié au médiatraining et aux conseillers en communication. Les plus importants d’entre eux font désormais une interview par jour si bien qu’ils sont devenus des professionnels de la chose, bien plus professionnels que leurs intervieweurs. Cette dérive malsaine se fait au détriment de la vérité.

Georges Marchais venait avec son cahier et ses notes soulignées. Avez-vous interviewé d’autres politiques aussi bien préparés ?

Rappelez-vous que le Parti communiste était une composante essentielle de la société de par sa puissance politique, syndicale et culturelle. Georges Marchais lui-même avait un talent et un charisme originaux avec un ton combatif et pittoresque. C’était, en plus, une vraie bête de scène. Il avait compris avant tout le monde que les grandes émissions de télévision marquaient davantage les électeurs que les meetings. Aussi, il en faisait un enjeu considérable et s’y préparait pendant des semaines. Il était aidé par ses secrétaires et planchait avec eux sur ce qu’il voulait dire. Ainsi, il arrivait avec des dizaines de pages écrites, avec de multiples couleurs. À l’époque, les interviews des plus grands responsables politiques n’avaient pas lieu tous les jours, mais tous les deux ou trois mois. Un qui ressemblait à Georges Marchais, c’était Bernard Tapie. Lui aussi avait

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