Chouchoute de son grand-père et des militants, rivale médiatique de sa tante Marine, Marion Maréchal-Le pen participe au storytelling politique et médiatique autour d’une famille qui fascine autant qu’elle inquiète. Imposant sa gouaille dans des débats télévisés face à Alain Juppé ou Olivier Besancenot, la jeune femme a vécu un apprentissage politique en accéléré. À 25 ans, la dernière héritière en date de la dynastie Le Pen est députée du Vaucluse et tête de liste aux régionales en Paca. Le 14 avril dernier, en pleine crise politique et familiale, Marion Maréchal-Le Pen nous reçoit dans son bureau de l’Assemblée nationale. Pendant que son attaché parlementaire scrute les derniers rebondissements de la guerre ouverte entre Jean-Marie Le Pen et sa fille en lisant Minute sur son ordinateur, elle se montre mal à l’aise à l’idée d’évoquer son parcours personnel. Mieux que quiconque, Marion Maréchal sait qu’au FN, les crises politiques ont toujours des conséquences familiales.
PROPOS RECUEILLIS PAR MATHIEU DEJEAN ET DAVID DOUCET
PORTRAITS SAMUEL GUIGUES
Choisit-on de faire de la politique quand on est placardé sur une affiche électorale aux côtés de Jean-Marie Le Pen à l’âge de 3 ans ?
Je n’ai découvert cette affiche que bien plus tard. Quand j’étais enfant, j’allais très peu dans les meetings. J’y suis allée beaucoup plus tard. Jean-Marie Le Pen n’a pas nécessairement voulu que sa petite-fille soit dessus. Il voulait sans doute qu’il y ait un bébé sur l’affiche et je devais être dans le coin. Il n’y avait rien de très calculé.
Ça participe tout de même de votre imprégnation politique ?
Je ne pense pas. Mais ce qui est sûr c’est que pendant longtemps, j’ai vécu la politique par procuration. Même si je n’étais pas directement impliquée, je l’ai vécue par l’absence de mon père, très impliqué politiquement à l’époque, mais également à travers l’agitation des campagnes, les drames familiaux comme le départ de ma tante Marie-Caroline lors de la scission de 1998 et enfin la figure un peu planante d’un grand-père que je ne connaissais pas. Je le voyais assez peu, mais il était omniprésent dans nos consciences et nos vies, car, socialement, nous étions systématiquement ramenés à lui. Je me rappelle qu’avec mon cousin qui est un peu plus âgé que moi, et mon frère qui a aujourd’hui 20 ans, nous avons été obligés très rapidement de nous politiser, car nous étions d’abord identifiés comme petite-fille ou petit-fils de Jean-Marie Le Pen. Immédiatement ça crée des réactions, positives ou négatives – pendant longtemps plus souvent négatives. Il a donc fallu comprendre les raisons de cette hostilité, se justifier, puis se défendre. La vie sociale s’est chargée de nous politiser, en quelque sorte.
Dans À contre flots, votre tante raconte la difficulté de sa jeunesse, les brimades à l’école, lorsqu’on porte le nom de Le Pen. C’est quelque chose que vous avez vécu ?
Oui. Cela fait rire tout le monde quand on en parle, mais c’est une réalité. Je l’ai vécu à moindre échelle par rapport aux filles de Jean-Marie Le Pen parce que, plus les années passent, plus la tension retombe à l’égard du FN. Mais oui, on a aussi vécu cela, surtout dans nos très jeunes années : primaire, collège. Moins peut-être par les professeurs. Ceux de Marine Le Pen étaient d’une partialité et d’une agressivité incroyables. De mon côté, j’ai eu quelques soucis avec des professeurs, mais c’était vraiment anecdotique, c’était plutôt les élèves qui m’ennuyaient. Cela n’a pas été facile d’évoluer au milieu de cette violence verbale et parfois physique. Je me rappelle que mon sac à dos était tagué, on m’enfermait dans les toilettes. Ce que j’ai vécu, c’est une forme de discrimination. D’ailleurs plus tard, j’ai été virée de petits boulots dans l’événementiel lorsque mon patron apprenait que j’étais la petite-fille de Jean-Marie Le Pen. J’ai vécu toute mon enfance dans la même ville. Donc, même si mon nom était « Maréchal », tout le monde finissait par savoir qui était mon grand-père.
Vous êtes-vous dit qu’il allait être difficile de travailler dans le civil ?
Oui, comme toutes les filles de Jean-Marie Le Pen. Nous avons toutes fait le constat qu’il était impossible d’échapper à la politique. Marine Le Pen a tenté de travailler en tant qu’avocate, mais elle en vivait difficilement. Ma mère a créé une entreprise d’hôtesses, Marie-Caroline a fait un peu de journalisme au départ, elle donnait des cours d’anglais, mais à chaque fois, ça n’a pas pu durer parce qu’elles portaient le nom de Le Pen.
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