Zoom sur le président

Paparazzi ou portraitiste officiel, reporter ou spécialisé dans la mode, six photographes plongent dans leurs archives et racontent pour Charles un Jacques Chirac qui, d’un bout à l’autre de sa carrière, ne se sera jamais vraiment passionné pour son image. Un anti Narcisse. En revanche, comme tous l’expliquent, sa fille Claude veillait sévèrement au grain.

PAR LAURA POUGET
PHOTO ERIC LEFEUVRE

Éric Lefeuvre, l’homme du président
Photographe officiel du temps de la présidence, Éric Lefeuvre a disposé de tous les laissez-passer. Il en a profité pour se concentrer sur un Chirac que lui seul pouvait capturer. En noir et blanc essentiellement, car c’est pour lui la couleur de l’histoire.

« J’ai été vendu à Chirac pendant dix-huit ans. Dix-huit ans d’osmose. Je ne voyais que lui, je ne regardais que lui. Quand il était fatigué, je tapais sur la table pour le réveiller. Quand sa cravate était de travers, je faisais semblant de replacer la mienne, de me recoiffer quand il était décoiffé. Il comprenait et rectifiait, c’était tacite. J’étais de tous ses déplacements, au bout du monde, en province, à Paris. Combien de fois le président ne m’a-t-il pas dit : “Éric, ne soyez pas devant moi, on va savoir que je viens.” En 1995, juste après son élection, il est parti en pèlerinage à La Boisserie. Sans photographes, seul avec Bernadette. Moi je l’attendais, au bout de l’allée, mon appareil photo sur le visage, prêt à mitrailler. Au début, il ne m’a pas reconnu. Puis, “Ah c’est Éric”, l’air rassuré, quand il a vu qu’il n’y avait que moi. (Photo 1) Dans ma tête, si je trouvais que la photo ne le servait pas, elle ne sortait pas.

La confiance, c’était la condition pour faire partie du cercle. Je m’en suis aperçu très vite. Dès 1989, quelques semaines après avoir été embauché par Christian Boyer, le chef du service photo de la mairie de Paris. J’avais photographié Chirac une première fois en 1984, alors que je remplaçais mon père sur une réception. Je tremblais comme une feuille. Là, je me retrouve dans le bureau du maire pendant la composition des listes électorales du XIIème arrondissement pour les municipales. Le XIIème, c’est mon quartier, je balance les infos. En l’espace de six heures, mon sort est sur la sellette. “Tu as fait une connerie”, me prévient Christian. Jacques Chirac, lui, est partisan de l’erreur de jeunesse. Je suis sauvé, et je retiens la leçon : ne jamais parler.

À mes débuts à la mairie, j’avais 20 ans, Jacques Chirac 60. Avec moi, il restera toujours très paternaliste. Un jour où, comme d’habitude, je marche devant avec mon matériel, je sens une grande tape dans mon dos et j’entends un : “Ça ira Éric ?” C’est lui. Chaque fois que Bernadette me signifie son impatience, ce qui arrive régulièrement, il plaide toujours en ma faveur, le sourire en coin : “Mais enfin, laissez-le faire ses photos.” (Photo 2) Quand Christian, mon patron, prend sa retraite en 1995, je deviens l’officiel. Chirac n’a pas changé en devenant président, mais nos habitudes si. Au début de son premier mandat, je viens lui apporter des photos chez son secrétaire particulier. Il est là, et tout fier, m’invite à entrer dans son bureau. Quand Néron, alias Dominique de Villepin, le secrétaire général de l’Élysée, arrive, je sens que ma présence ne lui plaît pas. Impression confirmée par Claude qui me dit un peu plus tard : “Éric, nous ne sommes plus à la mairie.” Claude ou la rigueur, l’exigence incarnée. C’est elle qui valide

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