Le parti animaliste n’est pas le moins bien placé dans la chasse aux électeurs. Entretien+podcast avec sa co-présidente.
Hélène Thouy est co-Présidente du Parti animaliste, avocate au barreau de Bordeaux, et avocate de L214 , association de défense des droits des animaux connue pour ses vidéos chocs qui dénoncent les maltraitances animales. Végétarienne depuis l’âge de 7 ans, elle nous explique la volonté de justice qui guide son combat quotidien vers une société plus juste envers les animaux. Défense animale rime-t-elle avec écologie ? Pas forcément ! Elle nous explique en détails… Tendez l’oreille…
Extraits du podcast ‘Dans l’oreille de Charles’, série ‘femmes d’influence’,
Interview menée par Marine Peltier
L214
L’association L214 a vocation à montrer le sort des animaux d’élevage, qui a pendant de nombreuses années été passé sous silence, afin d’en informer le consommateur et d’atteindre une société plus juste et plus éthique envers les animaux.
Caroline Lantier et moi-même sommes les deux avocates de l’association. Les plaintes concernent régulièrement des sociétés qui ne respectent pas les conditions réglementaires d’abattage ou d’élevage. Par ailleurs, des actions administratives sont souvent mises en place pour engager la responsabilité de l’État. Les actions sont très diverses et nous tendons à les intensifier car il faut investir le champ de la justice sur ces sujets, tout un pan du droit doit être développé sur la cause animale.
Les actions sont complémentaires, c’est la conjonction de tous les outils qui va permettre d’avoir des véritables avancées. C’est pourquoi je pense qu’il faut occuper tous les terrains pour que la question avance sensiblement et rapidement.
La stratégie du Parti animaliste
À l’image des militants du Parti animaliste, les profils des fondateurs sont très variés. Tous sont issus de milieux socioprofessionnels très différents. Ce parti rassemble des personnes de toutes origines, cela montre que la cause animale touche tout le monde.
Notre volonté de créer un parti politique est partie d’un constat : depuis plusieurs années, les associations animalistes sont extrêmement mobilisées et font un travail formidable sur le terrain, mais ces actions ne se traduisent jamais par des évolutions sur le plan politique, législatif ou réglementaire. Dans le meilleur des cas, les élus font des promesses qui ne sont jamais tenues. Pour que la cause avance sur le terrain politique, il était indispensable que des animalistes sincères intègrent le champ politique. À cet effet, il fallait créer un parti à part entière car les partis existants n’avaient pas pris la mesure des enjeux de la cause animale.
« La stratégie sous-jacente vise à inciter les autres formations politiques à se pencher sur la cause animale et à devenir ambitieuses sur ces sujets »
Sur nos affiches de campagne, plutôt que des portraits de candidats figuraient des chiens et des chats. Mettre en avant des animaux plutôt que des humains, c’était leur céder la place pour quelques instants et porter un message clair. Nous avons choisi des chiens et des chats car ces animaux de compagnie sont les plus appréciés par les citoyens, et le Parti animaliste se veut rassembleur de tous les défenseurs de la cause animale. Il était important de montrer que ces animaux que l’on méprise tant dans notre quotidien sont en réalité nos proches : cette proximité fait qu’on ne peut se détourner de cette question. C’est une manière de sensibiliser efficace car elle touche beaucoup de personnes.
La stratégie du Parti animaliste est double. Comme tout parti politique, nous souhaitons des candidats animalistes sincères qui essaient d’obtenir des mandats pour défendre la cause animale dans toutes les instances. La stratégie sous-jacente vise à inciter les autres formations politiques à se pencher sur la cause animale et à devenir ambitieuses sur ces sujets.
Un petit parti dans les grandes élections
Il faut savoir que toutes les formations politiques doivent payer elles-mêmes leur propagande électorale : les bulletins de vote, les affiches et les professions de foi. Dans le cadre des élections européennes, cela représente en général entre 2 et 3 millions d’euros. Les plus petites formations politiques sont évidemment obligées de faire des coupes. Nous disposions seulement d’un budget de 230 000 euros environ : cela signifie qu’il nous est beaucoup plus difficile de se faire connaître auprès des citoyens et de faire passer nos idées. Le challenge d’un petit parti est en premier lieu de se faire connaître des électeurs afin de pouvoir les convaincre.
« Le challenge d’un petit parti est en premier lieu de se faire connaître des électeurs afin de pouvoir les convaincre »
Au début de la campagne, nous n’étions pas pris au sérieux et étions crédités de moins de 1 % des intentions de vote. Il y avait une certaine tendance à considérer que la cause animale n’était pas importante et n’intéressait pas les citoyens : nous n’avions pas voix au chapitre. C’est significatif de la façon dont est conçue la diversité politique en France…
Par ailleurs, nous avons saisi le Conseil d’État pour dénoncer des irrégularités puisque nos bulletins n’ont pas été livrés dans toutes les préfectures, et de très nombreux bureaux de vote ne les ont pas reçus ou ne les ont pas mis sur les tables de vote. Nous avons perdu : le Conseil d’État a statué que les irrégularités dénoncées n’étaient pas suffisantes à inverser le résultat du scrutin.
Pourquoi la cause animale ?
Pourquoi la cause animale ? Cette question qui est régulièrement posée aux personnes qui la défendent, mais qui n’est étrangement pas posée à ceux qui soutiennent d’autres causes. Je n’ai pas choisi la cause animale parce que je ne trouve pas les autres causes importantes : je pense qu’il faut se battre contre toutes les injustices. C’est un mauvais débat et un faux procès que d’essayer de vouloir hiérarchiser à tout prix les injustices ! S’il y avait des militants pour toutes les causes, les choses iraient bien mieux.
J’ai choisi la cause animale car elle me tient à cœur et qu’à l’époque, j’estimais que je pouvais être utile parce qu’il n’y avait pas suffisamment, en tout cas sur le plan juridique, de personnes mobilisées.
« Écologie et protection animale sont extrêmement liées. On ne peut pas continuer à vouloir être écologiste et se détourner de la nécessité de réduire la consommation de produits d’origine carné »
Heureusement, les mentalités évoluent. Il y a quelques années encore, les plaintes pour maltraitance animale étaient parfois traitées mais presque sans moyens, voire parfois enterrées. Aujourd’hui, bien que les peines prononcées soient souvent très faibles, les plaintes débouchent au moins sur des procès et plusieurs jours d’audience. C’est important parce que ces jours de justice nous permettent de parler des animaux dans les palais et les médias, et ceux qui les maltraitent doivent rendre des comptes à la société.
Écologie et protection animale sont extrêmement liées quand on sait que la consommation de viande a des effets dévastateurs sur le climat. S’interroger sur notre modèle alimentaire, et plus spécifiquement sur notre consommation de produits d’origine carnée, permettrait d’avoir une incidence très claire sur le climat. C’est d’ailleurs régulièrement un point d’achoppement avec les mouvements écologistes qui ont encore du mal à intégrer que ces deux combats sont complètement indissociables, et qu’on ne peut pas continuer à vouloir être écologiste et se détourner de la nécessité de réduire la consommation de produits d’origine carnée.
Un ministère de la Cause animale
La France est très mauvaise élève sur la question animale, bien qu’il n’existe aujourd’hui malheureusement pas de pays idéal pour les animaux. En travaillant avec plusieurs partis animalistes européens, nous pouvons étudier les avancées dans les pays voisins. En Belgique, un ministère du Bien-être animal est désormais en charge de la question. C’est d’ailleurs une de nos revendications. Aujourd’hui, la cause animale relève du ministre de l’Agriculture. Ceci pose une vraie difficulté car il est en proie à un véritable conflit d’intérêts, entre d’un côté les animaux, qu’il est censé défendre, et de l’autre ceux qui les exploitent, qui sont les plus à même de leur causer des souffrances. Des pays comme la Belgique ont compris ce conflit d’intérêts, et ont choisi, pour protéger les animaux, de sortir la question animale de la question agricole et de mettre en place un ministre à part entière.
L’idée n’est pas d’opposer les éleveurs aux végétariens ou aux défenseurs des animaux. La société traite mal ses animaux : c’est un constat. Une majorité de citoyens ne veulent plus pérenniser ces mauvais traitements. Donc ensemble, nous pouvons débattre et trouver des solutions. Des moyens financiers, tels que des subventions d’État, doivent être débloqués pour accompagner certaines professions dans la transition et la reconversion. Il ne faut pas oublier que beaucoup d’agriculteurs ne vivent pas de leur métier. Ils exercent dans des conditions dramatiques et le taux de suicide est extrêmement élevé dans cette profession. Je ne crois pas que l’on puisse continuer, inexorablement, à reprendre les mêmes recettes qui ne fonctionnent pas et sont un désastre écologique, éthique et même économique. Il faut avoir le courage de prendre des décisions, d’accompagner ces personnes, de leur offrir une vie décente mais compatible avec les enjeux de nos sociétés.
Vers une société végétarienne
Si l’on s’attache aux seules conditions de vie des animaux en écartant la question de leur mort, on pourrait voir qu’il y a un consensus de la société à voir des animaux mieux traités. Les conditions de vie des animaux d’élevage, qui vivent enfermés dans de petits espaces sans accès au plein air, sont régulièrement dénoncées. Je pense donc qu’il faut y aller de façon pédagogique, par paliers. Plus tard, nous pourrons voir à quel point la société est capable de remettre en question la mise à mort des animaux en elle-même, et donc le régime alimentaire carné.
« Réduire le mouvement animaliste à quelques attaques de boucheries est d’une particulière mauvaise foi et participe à l’instrumentalisation du débat »
Je comprends qu’un commerçant qui voit sa boucherie dégradée puisse avoir un pincement au cœur. La plupart des personnes seront d’accord là-dessus et ne cautionnent pas ces actes. Pour autant, cela ne peut pas refermer le dialogue sur la question animale et empêcher un débat serein de s’instaurer. De plus, en taguant des boucheries, les militants interrogent davantage le système que le commerçant en particulier. C’est la société qui est renvoyée à son image.
En tout cas, ces tags ne peuvent résumer l’ensemble des actions qui sont faites au quotidien pour défendre les animaux. Réduire le mouvement animaliste à quelques attaques de boucheries est d’une particulière mauvaise foi et participe à l’instrumentalisation du débat.
Si vous deviez vous réincarner en un animal ?
Peut-être un chat…
Vous êtes plutôt Dupont-Moretti ou Antoine Lévi ?
Antoine Lévi !
Un rêve que vous aimeriez réaliser ?
Donner beaucoup plus de droits aux animaux et vivre dans une société où le mot justice ait enfin un sens.
Une valeur que vous ont transmise vos parents ?
L’indépendance et la détermination.
L’animal qui a le plus marqué votre vie ?
Un chien !
Votre souhait pour la planète ?
Des animaux respectés, avec une prise en compte de leurs intérêts.
Peut-on être écolo et manger des animaux ?
Non !
Y a-t-il une place pour le militantisme au tribunal ?
Bien que les juridictions n’aiment pas trop cela, une part de l’activité est un peu militante.
Une qualité indispensable pour être un bon ou une bonne avocate ?
Le travail et la rigueur.
Le dernier livre que vous avez lu ?
‘L’Archipel français’.
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