Un Parisien de souche, Louis Mortens. Pur produit de la société libérale des années 70, issu d’une famille de classe moyenne, timidement gaulliste, il passe son bac en 1997 puis s’engage dans la lutte. Son camp : « la Sociale » ascendance libertaire ; enfin ce qu’il en reste. Autonomie, anarcho-syndicalisme, fricotage trotskiste, dilettantisme tous azimuts… de bar en baston il se forge un parcours cabossé. À la veille du XXIème siècle, Louis Mortens se fait la boule à zéro et devient skinhead d’extrême gauche, d’aucuns disent redskin, au sein du folklorique RASH (Red And Anarchist Skinhead). Au terme de douze années de luttes, il décroche. Aujourd’hui journaliste, l’adrénaline du combat social lui manque mais pas ses anciens camarades.
PAR LOUIS MORTENS
ILLUSTRATIONS JB
Acte I : Les Guerriers de la nuit au Gibus
La bouteille percute ma boîte crânienne. Ça résonne à l’intérieur. En tombant sur le trottoir, je me demande pourquoi le verre ne s’est pas brisé et surtout pourquoi ça fait si mal aux dents. Je ne l’avais pas vu venir ce mec. Maintenant, d’où je suis, je distingue son visage crispé ; je vois ses pieds aussi. Il tente un pénalty dans ma tête. Petit jeu d’évitement ; je me relève. Il y a un attroupement plus loin. Ça se tape. Je tente de le rejoindre mais mes poumons sont en feu. C’est toute une bande venue de nulle part qui nous est tombée dessus…
Premier soleil du printemps 2007. Avec mes trois inséparables, Camille, Fernando, Mahdi, on descend la colline de Ménilmuch’ pour la République. Mes briscards et moi on ne se quitte plus depuis sept piges. Après avoir vécus les quatre cents coups, autant de galères et tous les fous rires de la terre, on s’aime et on forme une petite bande efficace, toujours prête pour le pire comme pour le meilleur. Alors à la façon des premiers bourgeons, ce jour-là, on éclot. Sortie classe, les plus beaux apparts, on se rend à un concert de La Souris Déglinguée (LSD) au Gibus, le vieux QG des crevards de la capitale. Après vingt ans loin de cette salle, la dernière prestation au même endroit s’étant soldée par une guérilla urbaine 2
entre punks, skinheads et flics, le groupe mythique de la scène rock remet le couvert. Et de sales petits branleurs néofascistes viennent nous gâcher la fête. Ça chafouine de partout. Perdu le visuel de mes potes. Bam-Bam-Bam ! Triple détonation ; je me couche. Je ne sais pas qui tire ni d’où ça vient. Volière… « Arrrrrgh ! On les entend moins vos grandes gueules là, hein ?! » Je reconnais la voix de mon pote Mahdi. Je comprends que c’est lui l’auteur des coups de grenaille. J’espère pour eux qu’ils manient bien la pince à épiler ces petits bâtards ! Pour nous il est temps de décrocher. Les gyrophares illuminent déjà le bout de la rue. Plutôt que de prendre la tangente, on se planque dans le concert. Sur scène, LSD gueule son tube rock le plus jazzy : « Ils marchent dans la rue comme des soldats perdus, une croix sur le front comme seule décoration. Ils n’ont rien prévu pour leur promotion, même pas de se servir de la révolution. Tous les camarades sont des soldats perdus, pensent qu’à la musique et aux filles presque nues. On les accuse d’avoir des
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