Dans sa jeunesse, l’écrivain et critique littéraire Marin de Viry a milité pour Raymond Barre. Puis après une longue période d’apolitisme, il se réactive. En 2011, il sera l’éphémère «conseiller communication» du présidentiable Dominique de Villepin. Deux expériences qui lui font considérer la politique avec une certaine mélancolie, mais pas seulement.
PAR MARIN DE VIRY
L’expérience de l’étrange commence avec la campagne présidentielle de Raymond Barre en 1988. À un peu plus de vingt ans, comme tout étudiant de Sciences Po qui se respectait, je décidais de frotter les belles théories des sciences politiques à la vie publique réelle, en rejoignant son équipe de campagne. À quelques années de distance, je trouve que c’était une idée curieuse mais sympathique et d’une certaine façon nécessaire, comme d’embrasser pour la première fois une fille. J’avais un statut clair au sein de cette équipe : j’étais inutile, mais j’avais le droit d’être là, au milieu d’autres jeunes, de faire des propositions loufoques et d’écrire des notes (dont j’espère bien qu’elles ont disparu) à l’intention de qui voudrait bien me lire : personne, si je me souviens bien. J’ai tout de même eu l’occasion d’organiser deux ou trois choses, comme des débats dans des endroits un peu moins compassés que les sempiternelles « Maison de l’Amérique latine » et « Maison de la Chimie ». Mais Raymond Barre était tellement pénétré de son rôle, il habitait si constamment son destin et était à ce point homme d’État que même en imaginant qu’on l’aurait convaincu de lancer aux Chandelles la « queer week » d’une faculté danoise, il aurait « recompassé » les lieux et l’évènement, si vous me permettez cette création verbale. Il a donc consciencieusement surgelé les événements que nous, les « jeunes » (et notre jeunesse était dans l’esprit de Raymond Barre un lourd handicap), avions organisé pour lui.
J’ai pensé, la première fois que je l’ai vu, à ce vers magnifique de Michaux dans le poème Icebergs : « Auguste bouddha gelé sur des mers incontemplées. » Et en effet, Barre était un bouddha très froid, sérieux, et solennel, et je le soupçonne d’avoir été habité par un immense désir de solitude. Il me semblait toujours à température rationnelle, voire en-dessous. La curiosité qu’il suscitait – voire l’enthousiasme, j’en ai vu des manifestations, aussi curieux que cela puisse paraître -, l’agaçait beaucoup : ces manifestations chaleureuses n’étaient ni assez fondées
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