Un FN pas très franc

Les questions économiques sont longtemps restées subsidiaires au Front national. Sous le règne du père, la question de l’euro est mise sous le boisseau avec l’aide du concept bâtard de « monnaie commune ». Cela change avec l’arrivée de Marine Le Pen à la présidence, épaulée par Florian Philippot. Les deux remettent en scène la sortie de l’euro, au grand dam des cadres du parti. Jusqu’au débat du second tour de l’élection présidentielle de 2017, où cette ambiguïté constante sur le thème de la monnaie se paiera au prix fort.

PAR CONSTANT MÉHEUT
IMAGES BENJAMIN VAN BLANCKE

« On sort ou pas de l’euro ? On revient au franc ou pas ? » Le débat dure depuis déjà 1 h 40 quand Emmanuel Macron pose la question qui fait mouche. En cette soirée du 3 mai 2017, 16 millions de Français ont les yeux rivés sur leurs écrans pour le débat du second tour de la présidentielle. Réponse ô combien timide de Marine Le Pen : « Il faut retrouver notre monnaie nationale. » Devant l’insistance de son adversaire, elle finit par s’expliquer : « Je veux renégocier pour que l’euro, on s’en libère et qu’on le transforme en monnaie commune. » Simple en apparence, cette solution de souveraineté monétaire prête pour le moins à confusion. Marine Le Pen aura beau tenter d’expliquer que cette monnaie commune n’est pas différente de l’ECU — une unité de compte facilitant les échanges entre les banques centrales des pays européens dans les années 1980-1990 —, elle s’écharpe sur les termes techniques, se reprend sans arrêt… Bref, elle ne maîtrise pas son sujet. Dans les loges, le désarroi règne parmi les cadres du FN. Au bout de quelques minutes, Florian Philippot reçoit des SMS de collègues affolés. Comment Marine qui a des dizaines de joutes verbales à son actif peut-elle à ce point passer à côté du débat le plus important de sa vie politique ? Devant sa télévision, le coordinateur de la campagne du Front national, Jean Messiha, n’en revient pas : « J’étais effondré. En face de moi, ce n’était pas Marine. »

Immédiatement, une question s’impose dans les esprits : Marine Le Pen a-t-elle bien préparé ce débat ? A-t-elle anticipé que son adversaire l’emmènerait sur le terrain sensible de la sortie de l’euro ? Philippe Murer fut pendant trois ans le conseiller économique de la présidente du Front national. Fervent partisan de la sortie de l’euro – il a publié, en 2013, avec Jacques Sapir, une brochure intitulée « Les Scenarii de dissolution de l’euro» –, il a quitté le FN en septembre 2017 pour rejoindre le parti Les Patriotes de Florian Philippot. Lorsqu’on l’interroge sur le débat de l’entre-deux-tours, son ton de voix traduit autant de nostalgie que d’incompréhension. Marine avait « tout un tas de notes à ce sujet(la sortie de l’euro – NDLR), explique-t-il. Dès janvier, je lui avais envoyé un document très synthétique sur la question de la monnaie commune, en détaillant notamment les problèmes de communication qu’il pouvait y avoir autour ». Reste qu’à quelques heures du débat, la candidate n’est toujours pas au point sur les questions monétaires, comme en témoignent ses proches. « En plus du fait que ce thème soit extrêmement technique, je pense qu’il y a eu une insuffisance de travail de sa part », explique l’un d’entre eux qui souhaite rester anonyme. Il a encore en tête l’image de ces piles

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