Tu vas te faire traiter

De Jean-Luc Mélenchon traitant François Hollande de « capitaine de pédalo » à Eva Joly qui « emmerde » Corinne Lepage en passant par Jean-Marie Le Pen qui compare Nicolas Sarkozy à « une pute », la dernière campagne présidentielle nous a offert son lot d’insultes. Retour sur un art à la mode depuis Cicéron, avec l’historien Thomas Bouchet auteur de Noms d’oiseaux, l’insulte en politique de la Restauration à nos jours.

PROPOS RECUEILLIS PAR PASCAL MATEO
PORTRAIT RENAUD MONFOURNY

Pascal Mateo : Comment quelqu’un d’aussi convenable qu’un enseignant en histoire en arrive-t-il à choisir l’insulte en politique comme thème de recherche ?

Thomas Bouchet : L’insulte est un objet d’histoire qui n’a rien d’indigne ! L’étudier, sans pour autant surestimer son rôle, c’est observer la relation politique sous un angle certes inhabituel, mais passionnant. Dans les années 1990, j’ai d’abord commencé à travailler sur la violence insurrectionnelle en préparant ma thèse, qui portait sur l’insurrection populaire des 5 et 6 juin 1832. J’ai alors pris conscience que les conflits physiques s’accompagnaient souvent d’affrontements verbaux. Quelques années plus tard, j’ai constitué une équipe d’historiens, de sociologues, d’historiens du droit et de linguistes afin de déposer auprès de l’Université et du CNRS une proposition de programme de recherche autour de l’insulte en politique. Et nous avons été labellisés en 2002. Enfin, en 2008, j’ai reçu la proposition d’un éditeur pour sortir un livre grand public sur cette thématique, ce qui m’a donné l’occasion de faire connaître mes recherches au-delà des cercles universitaires.

Quelle définition donneriez-vous de l’insulte, en particulier en politique ?

Du point de vue étymologique, insulter c’est « sauter sur ». Mais en réalité, le dispositif de l’insulte se crée en fonction de cinq éléments. Un insulteur, tout d’abord, dont il est impossible de dresser un portrait-robot tant les profils peuvent être différents. Une cible, ensuite, que l’insulteur entend dévaloriser ; et seule la cible peut qualifier l’assaut verbal d’insulte ! Le troisième élément, c’est bien entendu le mot qui porte atteinte à l’honneur ou à la réputation de la cible ; d’ailleurs, en anglais, insulter se dit « to insult », mais aussi « to call somebody names », ce qui signifie donner des noms à quelqu’un… En outre, pour qu’il y ait insulte, il faut des tiers qui relayent ce mot ; les médias jouent ce rôle aujourd’hui. Enfin, un environnement particulier est nécessaire : seul le contexte permet de comprendre ce qui est exactement véhiculé derrière les mots.

Les insultes sont donc indissociables des circonstances dans lesquelles elles

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