Il y a les policiers, qui composent le Service de protection des hautes personnalités (SPHP) et voguent, de-ci de-là, d’alternances en remaniements. Il y a les « privés », qui s’engagent sur des missions plus ou moins longues, d’une vie, parfois, aux côtés d’un client, d’un « Président » ou d’un mentor. Il y a aussi les militants, qui intègrent les services d’ordre de partis politiques et font de la protection de leur leader une priorité. Tous gardent des corps et des idées. Tous veillent sur des candidats et des hommes d’État, des ministres et des présidents, qui incarnent le pouvoir et sa conquête. Et attisent les violences et les haines. Retour d’expérience avec les anges gardiens de Charles de Gaulle, Jean-Marie Le Pen, Nicolas Sarkozy et Jean-Luc Mélenchon.
PORTRAITS RENAUD MONFOURNY
PAR FRANCK BERTEAU
Il fait chaud. En ce mois d’octobre, en Argentine, le printemps s’affirme avec pugnacité, comme un souvenir enfoui de longue date qui viendrait brusquement se rappeler à vous. Une foule épaisse et réjouie garnit les rues de Cordoba, au nord du pays. Sous le soleil épuisant, le général de Gaulle avance malgré tout avec envie, fidèle à lui-même, avide de proximité populaire. Depuis le 21 septembre 1964, deux semaines, le chef de l’État sillonne l’Amérique latine, semi-continent longtemps oublié de ses déplacements officiels à l’étranger.
Mêlés à la multitude, des opposants péronistes, privés de pouvoir depuis maintenant neuf ans, scandent le nom du président français, l’associant à celui de leur leader, Juan Perón. Les manifestants voient « l’homme du 18 juin » comme une figure de la « tercera via », cette troisième voie accessible entre le capitalisme et le communisme, prônée par leur chef, exilé en Espagne. Ils savent que le charismatique général tient tête aux Yankees si haïs, alors, en ces terres latines, pour leur soif d’hégémonie.
« De Gaulle », « Perón », reprennent-ils à tour de rôle. Sur les boulevards, la confusion s’installe. La masse se tend, partagée entre l’incompréhension et la peur du mouvement de foule. Soudain, des coups de feu retentissent. Aux aguets, Raymond Sasia et les trois autres « mousquetaires » – surnom donné aux quatre fidèles « gorilles » du président de la République – réagissent instinctivement. Ils poussent leur protégé à l’intérieur de la voiture, démarrent en trombe. Deux d’entres eux se positionnent sur le coffre arrière, prêts à riposter. Aucune balle ne touche le véhicule. De retour à l’hôtel, le général de Gaulle, amateur de bons mots, plaisante avec ses gardes du corps : « Alors, j’ai l’impression qu’ils ont tiré un peu trop vite ! »
En réalité, les forces de l’ordre, agacées, ont ouvert le feu sur les opposants dont plusieurs resteront au sol. Personne n’a donc visé le chef de l’État. Qu’importe ! Raymond Sasia a eu peur. Cette excursion en Argentine reste son pire souvenir de « mousquetaire ». Les circonstances de l’époque le rendent alors fiévreux, voire paranoïaque. Le continent américain vit encore sous le choc de l’attentat contre le président Kennedy, assassiné un an plus tôt à Dallas. En France, surtout, l’OAS cherche à abattre de Gaulle. La dernière tentative remonte à l’été, le 15 août 1964, sur la route du Mont Faron, près de Toulon, où le président de la République se rendait pour commémorer l’anniversaire du débarquement.
« Il faut avoir de l’estime pour la personne que l’on défend, partager une sensibilité politique. » Raymond Sasia
Cette violence qui somnole, prête
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