Depuis plus de quinze ans, le nom de Raphaëlle Bacqué est accolé de manière indissociable à celui du journal Le Monde. Après des débuts – entre autres – à l’AFP, au Parisien et à Marianne, la journaliste a disséqué avec sa plume l’ensemble de la classe politique française, depuis l’agonie de la Mitterrandie jusqu’aux années Hollande. Elle livre un constat cruel et amusé sur un milieu fait de grandeur, parfois, et de petitesses, souvent.
PROPOS RECUEILLIS PAR OLIVIER FAYE
PORTRAITS YANNICK LABROUSSE
Le masque romain de François Mitterrand
Le premier souvenir marquant de ma carrière de journaliste politique, c’est d’avoir rencontré François Mitterrand. C’était son dernier 14 juillet à l’Élysée, en 1994. Il était déjà très affaibli par son cancer, avec un teint jaune et cireux et cette peau fine sur ’l’ossature qui dessinait une espèce de masque romain très particulier. Ce jour-là, Alain Delon était l’un des hôtes de marque de la garden party. Et parmi les 3 000 autres invités, Alain Delon comme Mitterrand, dans deux genres très différents, possédaient une sorte d’aura, à l’antique. Il se formait comme un cercle autour d’eux. Ils étaient comme deux fauves. L’un, Alain Delon, encore très beau, acteur légendaire et magnifique du cinéma. L’autre, Mitterrand, tout petit et incroyablement diminué par son cancer, dégageant pourtant une force impressionnante, qui était bien sûr liée à ce qu’on savait de lui et de son mythe.
J’étais une journaliste trop inexpérimentée, trop jeune pour parler à Mitterrand, je n’étais rien. Je l’ai donc simplement regardé. Aujourd’hui, n’importe qui aborde n’importe qui. Mais, à l’époque, cela ne se faisait pas. Mitterrand était marmoréen, on aurait dit une statue flottant dans l’air. Seuls quelques journalistes triés sur le volet, les grands noms de l’époque, Ivan Levaï, Alain Duhamel, Pierre Favier de l’AFP, etc., étaient d’ailleurs invités à venir prendre place autour de lui dans un des petits salons du rez-de-chaussée. C’était vraiment la cour du Roi-Soleil. Beaucoup d’entre eux avaient d’ailleurs des liens étroits avec Mitterrand, certains même étaient militants. Ivan Levaï en 1981 avait quand même participé à l’écriture du discours de victoire dans l’auberge du Vieux Morvan, à Château-Chinon ! Bref, toute une série de journalistes étaient vraiment admiratifs de Mitterrand, comme on n’oserait plus l’être aujourd’hui.
Jacques Chirac, l’emmuré de l’Élysée
Chirac était un cas particulier : on pouvait le voir pendant une heure et il ne disait rien d’important. J’ai couvert son septennat à l’Élysée, entre
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