José Bové et Alain Krivine ont en commun d’avoir fait quelques passages en prison. Ils reviennent ici sur leurs différentes incarcérations. Bové se souvient du quotidien, de l’insalubrité, du bruit et du comportement étonnant de certains directeurs. Le second évoque la solitude qui l’a amené à adopter une vision d’ethnologue face à l’enfermement carcéral. De ces souvenirs distincts, tous deux s’accordent sur le caractère privilégié des prisonniers dits « politiques ».
PAR ARTHUR NAZARET
ILLUSTRATIONS BENJAMIN VAN BLANCKE
José Bové : « J’étais un prisonnier atypique »
« J’ai été incarcéré pour la première fois en juin 76. C’était dans le cadre de la lutte contre l’extension du camp militaire du Larzac. Nous avions occupé la commune de La Cavalerie, qui était située dans la base même du camp militaire. C’est à cet endroit qu’étaient stockés tous les actes de vente des propriétés pour agrandir le camp militaire. Notre objectif était de détruire les documents. Et en même temps de montrer que derrière cette histoire d’extension du camp militaire, il y avait aussi une histoire de spéculation foncière. Évidemment, nous avons été arrêtés sur place, parce que le but n’était pas de s’échapper, mais bien de dénoncer le scandale. Tous les gens du plateau faisaient partie de cette action. Il y avait Guy Tarlier, Léon Maillé… Nous avons passé la première nuit dans les bâtiments du camp militaire à La Cavalerie, gardés par les gendarmes mobiles. Ensuite, nous avons été amenés en bus – vingt-deux personnes ça ne se déplace pas comme ça – devant le procureur. Et là, on nous a annoncé qu’on allait passer en comparution immédiate, ce que nous avons refusé. Nous avons donc été mis en détention préventive en attendant le jour du procès.
Là, nous avons été transférés à la prison de Rodez. Depuis Millau, cela fait environ 75 kilomètres, que nous avons encore faits en bus. Il y a eu un incident dans le bus, puisque parmi nous il y avait plusieurs femmes, et celles-ci n’ont pas voulu être séparées des hommes. Ils ont essayé d’arrêter le bus au bord de la route pour faire sortir les femmes, elles n’ont pas voulu descendre. Bref, ça a créé un moment de panique. Nous sommes quand même arrivés à la prison de Rodez, le soir. Et à l’époque, la prison de Rodez était une vieille prison, qui était en fait un couvent de capucins, reconverti en prison. Ce qui était marrant, c’est qu’en arrivant là, nous avons doublé l’effectif de la prison. Ils ont été obligés d’aller acheter des assiettes, des couverts, des verres. Évidemment, cela traduit une autre époque que celle d’aujourd’hui. Nous n’étions pas du tout dans des cellules au sens classique, tel qu’on peut l’entendre aujourd’hui. C’était des dortoirs avec cinq ou six personnes. Nous avons été enfermés dans des voutes au rez-de-chaussée, dans des espèces de grandes salles.
Quand les prisonniers édictent un règlement intérieur. La journée, nous étions tous ensemble dans une même pièce. Cela faisait pas mal de chahut. Très vite, nous nous sommes dit que nous n’arriverions pas à tenir ainsi. Alors, nous avons fait un règlement intérieur et nous
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