Il aura été le grand timonier de Libération de 1973 à 2006. Un journal libéral-libertaire ainsi qu’il le définissait dès 1978, un quotidien de la société civile se tenant, selon lui, toujours à distance du pouvoir et de l’État. Serge July, qui publie ces jours-ci un Dictionnaire amoureux du journalisme, aime en effet citer cette phrase d’Albert Londres : « En journalisme, je ne connais qu’une seule ligne : celle des chemins de fer. »
PROPOS RECUEILLIS PAR ARNAUD VIVIANT
PORTRAITS YANNICK LABROUSSE
Serge July. J’ai toujours voté aux élections, qu’elles soient présidentielles ou autres. C’est une question de principe, mais j’y ai fait des entorses. La première élection présidentielle au suffrage universel, c’est en 1965. J’étais alors au bureau de l’UNEF. Au terme de toutes les délibérations, on a décidé de n’appuyer aucun candidat, ce qui signifiait qu’on ne soutenait pas le candidat unique de la gauche, un certain François Mitterrand. Il faut se replacer dans le contexte : nous étions trois ans après la fin de la guerre d’Algérie, sept ans après le coup d’État de 1958. Mitterrand avait une image à peine meilleure que celle de Guy Mollet, le dirigeant socialiste qui, non seulement, n’avait pas su décoloniser, mais avait aussi envoyé le contingent en Algérie, soutenu la fraction Algérie française des pieds noirs et donné les pleins pouvoirs à l’armée pour régler la question, tout en acceptant son coût : un cortège de tortures, de disparitions. Terrible défaite morale. Or Mitterrand a pris part aux gouvernements de Guy Mollet alors que Mendès France et Alain Savary avaient démissionné. Mitterrand était le ministre de la Justice, responsable de nombreuses exécutions capitales. Il a été sans doute hanté par cette question. En 1981, pour prouver ses convictions et se prémunir d’une campagne sur son passé, il se prononce pour l’abolition de la peine de mort à contre-courant de tous sondages d’opinion. Mitterrand : entre conviction et tactique. Stratège exceptionnel. En 1965, de Gaulle attendait un plébiscite, il ne l’a pas eu. D’un seul coup, il était fragilisé, dans l’opinion mais aussi au sein de son propre camp. La séquence 65-69, c’est la
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