En 1960, à 25 ans, il entre au Figaro. Puis, avec son ami Alain Duhamel, il invente la première émission de débats politiques à la télévision, « À armes égales ». Michel Bassi appartient à l’histoire d’un certain journalisme politique de la Vème République. Les liens endogamiques entre les pouvoirs politiques et journalistiques sont alors très forts, comme Michel Bassi en témoigne dans cet entretien. Fan de De Gaulle, puis de Chaban-Delmas exclusivement, il franchira la ligne rouge en devenant le porte-parole de Valéry Giscard d’Estaing à l’Élysée. Aujourd’hui consultant auprès de sociétés internationales, sa parole se libère. Il témoigne d’un temps que les journalistes de moins de 50 ans n’ont peut-être pas connu…
PROPOS RECUEILLIS PAR CAMILLE VIGOGNE
Nous sommes à la fin des années 50, en pleine guerre d’Algérie, et le général de Gaulle vient tout juste de récupérer le pouvoir en France. Vous décidez de devenir journaliste. Pourquoi ?
Je n’en sais rien. Mon père, ce héros, polytechnicien promotion 1910, voulait absolument que je passe aussi par l’X et m’a poussé vers des études en mathématiques. J’ai donc fait un bac C (S aujourd’hui) que j’ai obtenu de justesse grâce à la philo. À la sortie de l’oral, j’ai dit à mon père : « Papa, je ne serai pas polytechnicien. » Il m’a répondu : « Michel, je l’avais compris. » C’est à ce moment-là que je me suis dit que je pouvais faire une carrière de journaliste. Ça a été la bascule. J’aimais écrire, la réflexion ; déjà, l’information. C’est tout naturellement que de Nantes, je suis allé m’inscrire à l’École Supérieure de Journalisme de Lille. C’était facile à l’époque, il suffisait d’avoir le bac, sans concours !
Comment êtes-vous entré au Figaro ?
Ce n’était pas grâce à l’ESJ. Lorsque je suis entré au Figaro en 1960, j’étais le seul à sortir d’une école de journalisme. C’était infinitésimal. Jeune, je jouais dans l’équipe de France de volley-ball. Cela m’a permis de rencontrer Jean-François Brisson, lui aussi sportif de haut niveau, en athlétisme, et fils de Pierre Brisson (directeur du Figaro de 1934 à 1964). C’est tout naturellement que j’ai par la suite effectué un stage au sein de la rédaction. Mais surtout, je rentrais à peine d’Algérie, j’étais décoré, d’opinion libérale, et le journal venait de prendre des positions en accord avec le général de Gaulle contre l’Algérie Française.
Comment vous êtes-vous fait votre place au sein de la rédaction ?
Quand je suis entré au Figaro, je suis devenu reporter de l’information. Ma chance a été la venue de Nikita Khrouchtchev à Paris. Lors de son arrivée, le service politique s’est trouvé à court d’effectif. Les informations générales ont été appelées en renfort. J’étais là depuis seulement deux mois et j’ai été désigné. Ça a tellement bien marché que le lendemain du départ de Khrouchtchev, on m’a nommé au service politique. J’avais 25 ans. C’était l’époque de la bagarre autour de l’Algérie Française. Naturellement, Le Figaro faisait des éditoriaux très pro-gaullistes, et ça ne plaisait pas aux députés qu’on appelait « Les Indépendants » (pro-Algérie Française). Jean-Marie Le Pen, encore borgne à l’époque, était parmi eux. Alors journaliste parlementaire, je me fais apostropher par un type que je ne connaissais absolument pas, qui s’appelait Pascal Arrighi, à l’époque rapporteur général du Budget : c’était une très belle intelligence, mais il était Algérie française à mort. Il m’attrape en me disant : « Vous Le Figaro, vous êtes dégueulasse ! J’ai encore lu ce matin un éditorial disant que tous ceux qui soutenaient les Français n’étaient pas des gens bien ! ». Un attroupement se forme, le ton monte, et moi, jeune petit coq, je défends mon journal. Soudain, une voix vient par derrière, quelqu’un qui tape sur l’épaule d’Arrighi, et dit : « Laisse-le tranquille, celui-là, il a fait son devoir », en parlant du fait que j’avais fait la guerre d’Algérie. C’était Le Pen. Je le rencontrais pour la première fois…
Vous avez été de tous les voyages du général de Gaulle, en France et à l’étranger. Quels étaient ses rapports avec les journalistes ?
Aucun ! (Rires.) J’étais tout le temps à trois mètres de lui, et je sais qu’il me voyait ! Mais est-ce qu’un journaliste pouvait se dire son ami ? Un seul. C’était Jean Mauriac (journaliste et fils de François Mauriac). Le Général l’aimait beaucoup. S’il ne nous parlait très peu, il savait se servir de nous. Une anecdote illustre bien la chose. C’était à Rennes. Nous étions un paquet à suivre de Gaulle,
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