Mélenchon : « C’était un bonheur de travailler avec le Vieux comme chef de meute »

Il le surnomme le Vieux, car chez Jean-Luc Mélenchon l’affection se mêle toujours à la politique dès lors qu’il s’agit d’évoquer François Mitterrand. Ils se sont bien connus, quand l’un était président de la République, et l’autre jeune sénateur de l’Essonne, représentant l’aile gauche du PS. Ainsi, dans le long entretien que le leader du Parti de gauche a accordé à Charles, des colères pour défendre l’idée du Programme commun précèdent-elles des moments d’émotion, notamment à l’évocation des derniers instants passés auprès de celui qu’il considère comme un maître. S’il n’en reste qu’un pour défendre l’héritage du mitterrandisme, foin d’inventaire, Jean-Luc Mélenchon veut être celui-là.

PROPOS RECUEILLIS PAR DAVID DOUCET
PORTRAITS SOPHIE CARRERE

Vous êtes l’un des rares hommes politiques à vous revendiquer encore ouvertement de Mitterrand. Quasiment vingt ans après sa disparition, comment expliquez-vous que vous soyez si seul à défendre son héritage ?

Rappelez-vous qu’il a fallu deux guerres pour qu’on reparle de Jaurès sur un ton qui n’était pas celui que l’on utilisait de son vivant. Il était présenté comme un animal furieux et incontrôlable. Il a été frappé à la tribune de l’Assemblée nationale, il a été assassiné, on peut difficilement faire pire. Et aujourd’hui Jaurès est récupéré par la droite et l’extrême droite. Je me rappelle que lors du dixième anniversaire de la mort de François Mitterrand en 2006, les critiques de la droite se confondaient avec celles de l’extrême gauche. À leurs yeux, Mitterrand n’aurait rien fait de bon. Le bilan du mitterrandisme semble se limiter au portrait d’un personnage suspect dominé par sa « part d’ombre » comme on dit à présent. Ce sort posthume n’a rien d’étonnant. La droite a toujours traîné les héros de gauche dans la boue. Les riches ont eu si peur  en 1981 ! On a nationalisé toutes les banques ! D’aucuns fuyaient avec des lingots d’or dans le coffre de la voiture ! Quant à l’extrême gauche, il faut bien qu’elle justifie son absence dans cette épopée. Au moment où son énergie aurait été décisive pour créer l’élan populaire dont nous avions besoin pour porter des réformes sociales, elle était aux abonnés absents, occupées à ses grimoires, à soupeser les virgules et les adjectifs au lieu de peser sur la situation historique réelle. Tous ont à effacer leur bilan dans cette période. La légende noire de François Mitterrand est leur auto amnistie. Dès lors la mémoire raisonnée du bilan réel de François Mitterrand est un enjeu. Je tiens la tranchée. Il reste beaucoup à apprendre de cette période et bien mieux que les caricatures malveillantes qui circulent.

Pourquoi est-ce important de se revendiquer de Mitterrand encore aujourd’hui ?

Si j’arrive quelque part et que je dis qu’il faut faire un bilan raisonné et positif de l’action de Mitterrand, je sais que c’est vécu comme un défi. Mais il faut tenir bon. La difficulté doit être surmontée. Car il y a vraiment un enjeu à faire ce bilan raisonné. Les réponses à bien des questions qui se sont posées depuis en dépendent. Faut-il prendre le pouvoir ? Pouvons-nous encore changer la vie ? Quelles stratégies ont été tentées ? Sinon, c’est le règne du « bof ! bof ! », que l’on gagne ou que l’on perde, la politique sera la même. Évidemment quand vous avez sous les yeux un François Hollande, vous pouvez vous dire que l’arrivée au pouvoir de la « gauche » ne change rien et que le résultat peut même être pire qu’avec la droite. Il faut guérir l’autre gauche de cette maladie pour qui l’exercice du pouvoir condamnerait à la compromission et à la déroute intellectuelle et morale. Ce n’est pas vrai. Parvenir au pouvoir peut permettre de changer la donne. Mitterrand l’a prouvé. Comment aller plus loin ? J’essaye d’y répondre. On ne peut y parvenir en balayant d’un revers de main les réformes faites en 1981 sous prétexte qu’il y a eu ensuite le tournant de la rigueur. Quand je fais le bilan de l’action

Vous voulez lire la suite ?

Profitez de tous les articles de Charles en illimité !

Inscrivez-vous et bénéficiez de 8 semaines d’essai gratuit sans aucun engagement.
Recevez chaque semaine Charles l'hebdo

Essai gratuit 8 semaines

Acheter l'article
pour 3€

Acheter

Tout Charles en illimité
L’hebdo, les podcasts, le site
Dès 6€ / mois

S'abonner

Vous avez déjà un compte ? Identifiez-vous

X