Who’s who

Abécédaire des cabinets de lobbying

Abécédaire réalisé par Marion Deye pour Charles

 

Anthenor Public Affairs Gilles Lamarque, héraut de la transparence
Boury Tallon & associés Pascal Tallon, le lobbyiste qui joue la largeur de gamme
Calif François Massardier, le régional de l’étape
Com’ Publics Marc Teyssier d’Orfeuil, le serial clubber
Euros / Agency Mathieu Collet, le plus européen des lobbyiste français
Koz conseil Gaëtan de Royer, apôtre du lobbying participatif
Lobbying & stratégie Thierry Coste, le mouton noir (et fier de l’être) du lobbying
Publicis Consultants Alexandra Laferrière, chantre des affaires publiques intégrées

Cabinet Samman Thaima Samman, la tacticienne du droit

Anthenor Public Affairs  Gilles Lamarque, héraut de la transparence

Gilles LamarqueMal à l’aise avec la langue de bois et les coups tordus, Gilles Lamarque, qui affiche 17 années de représentation d’intérêts avec Anthenor Public Affairs, croit aux vertus de la technicité et de la transparence pour durer. « Le lobbying est un job de réputation », rappelle le dirigeant de la société dont la cotation par la Banque de France (qui mesure la capacité de l’entreprise à honorer ses engagements) s’élève à 3+, frôlant ainsi l’excellence (3++). De fait, chez Anthenor, on ne finasse pas avec les règles déontologiques. La structure s’interdit par exemple de travailler pour des gouvernements étrangers, contrats « potentiellement rémunérateurs » mais « potentiellement délicats avec certains Etats » et donc potentiellement dommageable pour l’image. Elle a en revanche fait son miel de l’accompagnement des organisations professionnelles : elle revendique l’accompagnement d’une centaine d’entre elles – soit près de la moitié de ses collaborations – . Autre biais pour s’assurer un équilibre financier vertueux : les clubs parlementaires, qui « se nourrissent du conseil et réciproquement ».

Avec 100 actions de représentations d’intérêt  déclarées pour l’année 2019 sur le site de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), pour un effectif de 11 collaborateurs (et 2,2 millions d’euros de chiffre d’affaires), Anthenor s’enorgueillit de rendre visible sur son site la liste de ses clients actuels mais aussi les anciens. Une façon d’être transparent en matière de conflits d’intérêts. L’entreprise publie également chaque année ses comptes. La structure devrait agrandir son partnership l’an prochain en ouvrant son capital à deux nouveaux associés. Un choix plutôt rare dans le secteur des affaires publiques, que Gilles Lamarque juge « nécessaire pour motiver en interne et assurer au cabinet de tenir le cap ».

Boury Tallon & associés  Pascal Tallon, le lobbyiste qui joue la largeur de gamme

Les très spacieux bureaux de Boury Tallon & associés, situés 41 rue Saint-Dominique en plein 7e arrondissement de Paris, jouxtent l’Assemblée nationale. Un emplacement évident pour le cabinet de lobbying français, que son directeur général Pascal Tallon aime faire découvrir aux visiteurs. De la place, il en faut pour loger la quarantaine de collaborateurs du cabinet d’affaires publiques de ses trois filiales : Equalogy et A+, respectivement dédiées au conseil en matière de RSE et aux relations presse, et M&M Conseil, consacrée à la communication événementielle (conférences, forum, débats, assises…).

Car chez Boury Tallon & associés, la taille et la largeur de gamme des prestations proposées constituent la base de la stratégie. « Etre staffé de façon suffisante est indispensable pour offrir aux clients un panel complet de tous les outils de lobbying disponibles », insiste cet ex-HEC, nommé en 2000 directeur associé du cabinet fondé par Paul Boury, et auquel il a accolé son nom. Jeunes trentenaires dédiés à la mise en place des colloques et des manifestations événementielles, anciens politiques reconvertis dans la RSE et consultants seniors planchant sur les dossiers règlementaires, se partagent donc les clients sous la supervision du duo de tête.

L’organisation de colloques, réunissant élus, association et chefs d’entreprises, qui est devenue l’une des marques de fabrique de la société, contribue à environ 10 % des revenus. Le reste est apporté par les affaires publiques et les déjeuners parlementaires – autre activité dont Boury Tallon a fait sa spécialité -. La marge brute du cabinet est aujourd’hui la plus imposante de la place parisienne (9,5 millions d’euros).

Calif  François Massardier, le régional de l’étape

François Massardier« Nous ne sommes pas un cabinet parisien, prévient tout de go François Massardier, le fondateur de Calif. Notre siège est à Saint-Etienne ». Le cabinet de lobbying, créé en 2009, a bien un bureau à Paris « car il s’y passe des choses aussi », s’amuse le dirigeant, mais quand on a pour ambition de faire du lobbying territorial « on travaille avant tout à l’échelle du territoire pour des acteurs locaux ». La structure, qui compte quatre collaborateurs, réalise 70 % de son chiffre d’affaires global (500 000 euros) en région. « Les attentes y sont grandes », juge cet ancien responsable de la com’ et du lobbying de l’association CroissancePlus. Et se déclinent sur trois niveaux : un lobbying intra-territorial (besoins des PME en matière de subventions de collectivités locales par exemple, relations avec les centaines élus du cru…) ; un lobbying ascendant (des entreprises vers les pouvoirs publics nationaux) et un troisième descendant (besoins des sièges sociaux des entreprises à comprendre et activer les leviers locaux, expérimentations de terrain…). L’ex-consultant de l’agence de com’ corporate Parties Prenantes jongle entre ces marchés : il accompagne par exemple l’opérateur télécom TDF dans son déploiement dans les territoires et propose une déclinaison en région au groupe de transformation digitale des hôpitaux Hoppen.

François Massardier, qui qualifie le lobbying législatif de « traditionnel », ne voit parfois « ni députés, ni sénateurs, mais seulement les interlocuteurs qui ont les moyens de faire bouger les projets de [ses] clients ». Et malgré l’arrivée de nouveaux entrants qui investissent le créneau des affaires publiques en région et un marché encore paralysé par la crise sanitaire, Calif n’entend pas changer son positionnement. Un nouveau bureau a ouvert en janvier. Où ? A Lyon, bien sûr.

 

Com’ Publics   Marc Teyssier d’Orfeuil, le serial clubber

« Le Club des amis du cochon », lancé pour défendre les intérêts de la filière porcine, a été l’un des premiers à avoir été constitué ; le « Cercle Prévention et Santé » est l’un des derniers mis en place. Le prochain sera « l’Alliance française pour la neutralité carbone ». Vingt ans après la création de Com’Publics, son président Marc Teyssier d’Orfeuil en affiche au moins une vingtaine d’autres au compteur et assume pleinement d’incarner un lobbying dont il a fait l’une de ses spécialités sur la place de Paris : la mise en place de clubs réunissant autour d’un sujet commun tous types de parties prenantes – élus, entreprises, associations, syndicats, collectivités… – désireuses d’échanger. La vocation de ces groupes : partager et se faire entendre.

Parfois moqué, ce mode de rencontres au mode opératoire bien éloigné du lobbying digital – et aux intitulés parfois picrocholins (« Collectif du petit-déjeuner à la française », « Coalition Divisons les délais administratifs par deux »…) – Marc Teyssier d’Orfeuil le revendique : « La modernité de ce modèle n’a jamais été aussi forte », estime-t-il. Les clubs représentent aujourd’hui 50 % du chiffre d’affaires de l’entreprise, le reste étant apporté par les activités d’affaires publiques plus classiques, pour le compte d’entreprises particulières ou de fédérations professionnelles. Au-delà de croiser les préoccupations d’un même secteur, ce « lobbying mutualisé » a selon lui aussi l’avantage de s’affranchir des couleurs politiques et de la temporalité des mandatures, la durée de vie de ces cercles courant sur de longue période et évoluant selon les profils des adhérents. Il offre aussi la possibilité à des entités moins fortunées d’accéder à un premier niveau de décision et de tribunes. Dans le cadre d’un mécénat de compétences, Com’Publics a par exemple proposé  cette année à l’association ENDOmind, regroupant les femmes atteintes d’endométriose, de les assister pour faire reconnaître la maladie et l’intégrer dans la liste des 30 affections de longue durée (ALD). Le ministre de la santé Olivier Véran a annoncé en août avoir saisi les autorités sanitaires en ce sens.

 

Euros / Agency   Mathieu Collet, le plus européen des lobbyistes français

Mathieu ColletNe pas être identifié comme un cabinet de lobbying français par ses homologues bruxellois : voilà le pari que souhaite remporter Mathieu Collet avec Euros / Agency Group. Sur la soixantaine de collaborateurs qu’emploie la société, fondée en 2012 par cet ancien du cabinet de conseil en stratégie de communication Vae Solis, les affaires publiques mobilisent 35 collaborateurs, le restant se concentrant sur la seconde activité de l’entreprise : la com’ et le branding.

Sur cette grosse moitié de lobbyistes, quinze personnes officient dans le bureau bruxellois de l’agence. Cet effectif ne lui permet certes pas de s’afficher comme un poids lourd outre-Quiévrain, mais fait d’Euros / Agency l’un des cabinets tricolores les plus étoffés de l’autre côté de la frontière. Le déploiement de cette équipe, qui gère une clientèle à 80 % internationale, est un socle indispensable sur place, avance le dirigeant qui a auparavant travaillé auprès de l’eurodéputé Gilles Savary, lequel est désormais directeur conseil dans l’entreprise. D’autant qu’en matière de problématiques européennes, tout ne se joue pas strictement à Bruxelles : selon que l’équilibre des forces politiques penche plutôt en faveur de la Commission ou du Conseil, les lieux forts du lobbying se déplacent vers la capitale belge ou vers les capitales de l’Union. « Actuellement, la nouvelle Commission est puissante, gage Mathieu Collet, c’est à Bruxelles que ça se passe ».

Avec ce double ancrage franco-belge, sur lequel il est encore peu concurrencé par ses homologues parisiens, Euros / Agency Group estime avoir une longueur d’avance. « Le Grand Paris Express souffrait d’un déficit de visibilité au sein des institutions européennes. Grâce à notre accompagnement nous avons pu débloquer une enveloppe de 64 millions d’euros pour la Société du Grand Paris (SGP), alors que le projet n’était pas soutenu par l’Union européenne auparavant », se réjouit-il.

Koz conseil  Gaëtan de Royer, apôtre du lobbying participatif

Gaëtan de RoyerMême s’il sait qu’il est encore en « deuxième division » des cabinets de la place Gaëtan de Royer a de bonnes raisons de se réjouir du chemin accompli, trois ans après le lancement de Koz conseil. Sa société ne compte encore qu’une demi-douzaine de collaborateurs mais a réussi à atteindre un chiffre d’affaires de  600 000 euros, soit la moitié de l’activité réalisée par beaucoup de structures installées de longue date sur le marché. Inspiré par Nicolas Bouvier, ex-chairman Europe d’Apco Worldwide, cet ancien de Communication & Institutions a positionné sa structure sur ce qu’il estime être l’avenir de la représentation d’intérêt : un lobbying transparent, horizontal, mettant en lumière les positions des parties prenantes. Credo de sa société ? « Le plaidoyer participatif », autrement dit l’exposition d’une proposition, sa soumission à tous les intéressés (association, fédérations…), la présentation ouverte des éléments – pris en compte ou non au cours des débats – avec en fin de processus, la capacité d’approcher des pouvoirs publics – cabinets ou parlement – avec un ensemble « complet et déminé ».

Koz appuie notamment son approche sur un système de plateformes numériques ouvertes, permettant de rendre publics les points de vue. Entre fin 2017 et fin 2018, il a déployé cette stratégie avec la Fédération française des diabétiques. Universitaires, malades, médecins et entreprises ont été appelés à participer tous azimuts. 60 000 personnes au total ont contribué et échangé via une plateforme ouverte. Deuxième étape en 2019, avec la publication exhaustive des actions mises en place par les parties prenantes : ministères rencontrés, progrès réalisés par les entreprises sur les médicaments… Quinze propositions ont émergé de ce brainstorming géant. De quoi arriver « blindés et légitimes » lors de la dernière étape, celle des rendez-vous avec les cabinets ministériels ou les parlementaires, gage le dirigeant.

Lobbying & stratégie  Thierry Coste, le mouton noir (et fier de l’être) du lobbying

Thierry CosteDire que le lobbyiste Thierry Coste cultive avec délice sa réputation de « mouton noir » du lobbying est un euphémisme. Connu pour ses sorties polémiques dans la presse, celui qui a été agriculteur dans une vie antérieure avant d’embrasser le métier de représentant d’intérêts, avait fait les gros titres à l’été 2018, après que sa présence à une réunion à l’Elysée a été avancée par Nicolas Hulot pour justifier sa démission du ministère de la transition écologique.

Ses sujets fétiches sont ceux qui ont assis sa réputation médiatique : lobbyiste et porte-parole de la Fédération des chasseurs, il est aussi secrétaire général du Comité Guillaume Tell qui rassemble six fédérations d’utilisateurs légaux d’armes à feu. Pour autant, son activité affaires publiques couvre aussi un champ d’action plus classique, lequel contribue substantiellement à son chiffre d’affaires (entre 1 et 1,5 million d’euros) : industriels de l’agriculture ou du déchet, syndicats professionnels comme celui des vétérinaires libéraux, fonds de pension étrangers et conseil aux gouvernements étrangers (Tchad, Turquie)…

L’essence du lobbying selon lui : d’abord et avant tout recueillir des informations auprès de tous les acteurs d’un sujet, de façon à être un « conseiller stratégique » pour ses clients. « Je ne suis pas là pour ouvrir des portes, ni pour détailler des stratégies juridiques. Mon métier, c’est d’être parachuté de l’autre côté des lignes ennemis pour mes clients », résume celui aime filer la métaphore militaire et n’hésite pas à rappeler l’épaisseur de son carnet d’adresses : « j’ai su être écouté par les quatre derniers président de la République sur mon sujet favori : la ruralité ».

Publicis Consultants Alexandra Laferrière, chantre des affaires publiques intégrées

Alexandra LaferrièreLa reprise du cabinet de conseil spécialisé Domaines Publics, il y a trois ans, pour doper son activité affaires publiques, a permis à Publicis consultants de reprendre de l’ampleur en matière de lobbying. Elles forment désormais un département de taille analogue (une trentaine de personnes) à ceux dédiés aux relations media, au digital, au planning stratégique ou à la communication interne au sein de l’agence de conseil en influence. Alexandra Laferrière, nommée présidente déléguée de Publicis consultants cet été, en est certaine : c’est la complémentarité des offres de l’agence d’influence du géant de la com’ qui en démultiplie l’efficacité. Le but : proposer une offre à « 360° aux clients », explique cette ancienne directrice des affaires publiques d’Uber, aussi passée par Google, Havas et les relations institutionnelles de France TV.

Le propos s’applique donc aussi aux affaires publiques. La filiale de Publicis a travaillé cette année sur une nouvelle offre, baptisée Digital Public Affairs, déployée à partir des ressources digitales de l’agence. Elle vise à donner aux clients les moyens de disposer d’une force de frappe sur les réseaux sociaux, de faire passer un message et de sensibiliser une opinion plus large. Autrement dit : il s’agit d’utiliser l’activisme des réseaux sociaux – dont les entreprises redoutent en général l’impact – dans leur intérêt. Le dispositif a été imaginé à partir d’une initiative mise en place pour la Fondation de France, qui souhaitait lever des fonds pour la protection des abeilles. Publicis avait créé à cette fin une abeille influenceuse sur Instagram, Bee_nfluencer, dont les péripéties ont attiré en un an près de 290 000 followers. Soit un seuil suffisant pour drainer des partenariats avec des marques et donc des fonds, lesquels sont versés à la Fondation de France. L’offre Digital Public Affairs, désormais proposée aux clients, s’en est inspirée.

Cabinet Samman Thaima Samman, la tacticienne du droit

Thaima SammanThaima Samman n’aime pas le mot lobbying : « trop galvaudé, trop empreint d’une mauvaise image », explique la fondatrice du cabinet d’avocats spécialisé dans les affaires publiques, qui porte son nom. Elle préfère parler « d’intermédiation entre les parties privées et les pouvoirs publics », avec en main un instrument clé : le droit. 

Ancienne collaboratrice de Claude Bartolone, passée chez August & Debouzy où elle a créé le département Corporate Affairs et familière des directions juridiques de plusieurs grandes entreprises (Microsoft, Philip Morris), Thaima Samman a eu plusieurs carrières. Mais c’est sans doute dans sa dernière vie professionnelle – celle d’avocate lobbyiste – qu’elle a réussi à mettre en œuvre ce qui ressemble le plus à sa propre définition du lobbying : la « plaidoirie de politiques publiques », autrement dit la « Policy Advocacy » chère aux anglo-saxons. « 90 % des textes votés devant le parlement sont des projets de loi produits par le gouvernement et l’administration. C’est donc en amont qu’il faut peser. Or la compétence juridique de l’avocat lobbyiste, c’est justement d’être capable d’arriver avec des propositions économiques répondant à des politiques publiques, mais en étant capable de les traduire juridiquement et règlementairement de façon à en permettre l’exécution », explique-t-elle.

Dans son cabinet se côtoient d’anciens directeurs des affaires publiques, des avocats spécialisés en droit des affaires et en contentieux ou encore des consultants seniors spécialisés de la règlementation bancaire ou financière. « Pas de position papers, pas d’amendements, sans compréhension du droit, répète-t-elle. L’avocat lobbyiste accompagne la  dynamique normative en dénouant sur le plan technique l’affrontement entre les parties prenantes, qu’elles soient technocratiques, politiques, privées, nationales ou européennes. On est loin d’une certaine tradition française du lobbying piloté par la détention d’un réseau ou d’une capacité à approcher tel ministre parce qu’on fait du golf le dimanche avec lui ».

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