Il laisse entendre que c’est arrivé un peu par hasard, mais Éric Zemmour a considérablement modifié les règles du jeu du journalisme politique à la télévision. De façon simple : en ne posant plus de questions aux politiques, mais en conversant l’air de rien avec eux. C’est-à-dire en leur distribuant sa pensée. Et en outrepassant toujours ce qu’il nomme le « politiquement correct », comme si la télévision était un ring dont on pourrait enlever les cordes… Comme il le raconte pour Charles, on a bien invité Éric Zemmour à se lancer en politique. Mais à quoi bon en faire, quand on en fait déjà ?
PROPOS RECUEILLIS PAR DAVID DOUCET
PORTRAITS ARNAUD MEYER
Trench noir boutonné jusqu’au col, teint hâlé digne d’un retour de vacances, Éric Zemmour débarque à vive allure dans l’enceinte du Figaro, ce jeudi 27 août. Avec difficulté, il passe les portiques de sécurité en tenant dans chaque main des sacs surchargés de livres. « Ce sont ceux de mes enfants que je vais refourguer », sourit-il en anticipant l’une de nos questions. Après s’être délesté de ses affaires, l’éditorialiste du Figaro magazine nous conduit à la cafétéria de l’immeuble. Au moment de s’asseoir, l’un de ses collègues le ramène à la « littérature » : « Tu as lu le bouquin de Geoffroy Lejeune durant tes vacances ? ».
Le « bouquin » en question est l’œuvre d’un journaliste de Valeurs actuelles qui a imaginé l’arrivée accidentelle d’Éric Zemmour au pouvoir en 2017. Il rit nerveusement: « Oui, c’est bizarre de se voir en personnage de fiction. » Véritable fantasme de la France réactionnaire, starifié par la télévision et sanctuarisé par le succès de son livre Le Suicide Français, ce journaliste est plus que jamais à la lisière de la politique.
En 1994, Paul Amar avait suscité un scandale en distribuant des gants de boxe à Jean-Marie Le Pen et Bernard Tapie sur le plateau du journal télévisé de France 2. Vingt ans plus tard, est-ce que vous n’avez pas le sentiment que la confrontation cathodique version sport de combat s’est institutionnalisée ? Et d’y avoir contribué ?
Comme je suis plus vieux que vous, j’ai vu les premiers débats télévisés en France dans les années 70. Je pense bien sûr au fameux débat entre François Mitterrand et Valéry Giscard d’Estaing en 1974. Dans l’émission « Cartes sur table », l’homme politique était opposé à deux journalistes, en l’occurrence Alain Duhamel et Jean-Pierre Elkabbach. Il n’y avait pas de gants de boxe mais c’était très spectaculaire. C’était féroce, pugnace. Il y avait des gros plans sur les visages comme au cinéma. Je me rappelle encore l’opposition entre Georges Marchais et Jacques Chirac en 1974. J’avais 15 ans. C’était un duel magnifique ! Quand Marchais dit : « On vous présente comme un jeune loup, mais vous avez du retard » et que Chiracrétorque : « Entendre ça de la bouche d’un léniniste, ça ne manque pas de sel. » C’était très fort sur le plan télévisuel, et politiquement. Aujourd’hui, les vrais débats n’ont plus lieu entre politiques car le clivage droite-gauche n’existe plus. Depuis le traité de Maastricht, les débats sont soporifiques et les différences très ténues.
La différence, c’est que les débats se font entre éditorialistes et moins entre politiques.
La nature a horreur du vide. Il y a eu une telle baisse du niveau du personnel politique que les chaînes de télévision ont recruté des éditorialistes pour débattre aussi. Par nature, la télévision réclame des débats spectaculaires et ils sont venus me chercher pour ça. Moi, je suis tombé dedans par hasard. J’ai été
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