Le petit Charles

À la fin des années 1990, Charles de Gaulle, le petit-fils du Général, s’engage au côté de Jean-Marie Le Pen, qui pense alors réaliser un grand coup politique. Mais celui qui porte comme un lourd fardeau le prénom de son grand-père s’avérera au final un bien piètre candidat. Et dégoûtée par cette mésalliance, la famille couper les ponts avec lui. Eh bien, ce petit Charles, Charles l’a retrouvé. Ou presque.

PAR JEREMY COLLADE
ILLUSTRATIONS CLEMENT QUINTARD

J’ai longtemps attendu une réponse de Charles de Gaulle. Finalement elle ne m’est venue ni des cieux, ni des limbes de notre mémoire, mais tout simplement de La Poste, en courrier recommandé avec accusé de réception. Sur un papier quelconque et un peu jauni, une écriture désordonnée en patte de mouche s’insurgeait devant ma requête : « Vous mavez fait parvenir jeudi dernier un exemplaire de la revue Charles ; je vous la restitue ci-joint car je naccorde jamais dentretien », trace maladroitement M. Charles de Gaulle, au début du mois d’avril 2015. Une interrogation s’est emparée de moi : mais pourquoi avoir renvoyé la revue ? Elle était offerte…

« Si beaucoup de Français continuent de se satisfaire des palinodies et des faux-semblant de MM Chirac (un B.O.F.), Sarkozy et Hollande, la décadence les détruira. Humains, trop humains… », conclut de Gaulle, à mi-chemin entre l’aigreur et la chasse aux sorcières. En bon élève de son grand-père, le petit-fils du Général serait-il devenu nietzschéen ?

Quelques mois plus tôt, en partant à sa recherche, je pensais m’intéresser à un homme politique. En réalité, c’est sur les traces d’un marin que je suis parti. Charles de Gaulle junior ressemble à ces corsaires au long cours qui ne sont heureux que lorsqu’ils sont loin, de leur passé comme de leur famille. Je l’imaginais, les contours du visage encore un peu grossiers, des Ray-Ban sur le nez et coiffé d’un borsalino qui masquerait ses derniers cheveux blancs bouclés, de plus en plus dispersés au milieu de sa calvitie. Dès le début, je ne me faisais guère d’illusions sur le personnage, dont l’éternel costume noir, cravate rouge et chemise bleue témoignait déjà d’un manque affolant d’originalité. Me faire l’affront de ne pas répondre, alors que j’avais (difficilement) réussi à retrouver sa trace : j’y voyais là un manque de panache que son grand-père, grand admirateur de Cyrano, aurait forcément réprouvé.

Très vite, ma quête a tourné à l’obsession. Je ne pensais qu’à lui. Où se cache-t-il ? Comment vit-il ? Son appartement est-il décoré de statuettes vaudou ou de peintures flamandes ? J’ai donc enfilé mon costume de John le Carré. Le barreau de Paris, où il fut inscrit, a perdu sa trace. « Il navait pas lair très actif, m’apprend-t-on. Mais vous savez, avec dix affaires par an, on vit bien en tant quavocat. » Pas de quoi rédiger une note blanche en fouillant sur Internet. Et bien sûr, aucun profil LinkedIn. Tout juste quelques photos dans les albums de famille, quand le jeune Charles rendait visite à son grand-père, retiré en Haute-Marne.

Depuis qu’il a quitté les bancs du Parlement européen en 2004, le petit-fils s’est évaporé. « Ils se cachent les de Gaulle, cest terrible », regrette l’ancien député européen Paul-Marie Coûteaux, qui a siégé à ses côtés au temps du Mouvement pour la France de Philippe de Villiers. L’homme, intriguant et réservé, a symboliquement largué les amarres. Celles qui le rattachaient à une filiation glorieuse trop lourde à porter ; et souvent douloureuse pour ce personnage discret. « En le voyant, on sattendait à découvrir un héritier : on avait devant nous un personnage lambda de la famille… », résume, encore amer, son compagnon d’affaires JeanYves Ollivier, un de ses éphémères associés avec lequel il a grenouillé en Afrique du temps de Jacques Chirac. Sans grand succès d’ailleurs. « Sur le terrain, il y avait une double incompréhension : Charles se confrontait à une réalité quil connaissait mal, raconte Martial Bild, qui ne veut pas accabler l’homme dont il fut le directeur de campagne pendant les municipales de 2001, à Paris, où il défendait les couleurs d’un FN transparent, à cette heure où les troupes frontistes étaient plus clairsemées que celles d’aujourd’hui. « Et surtout dans les marchés, les gens ne comprenaient pas quil puisse être au FN et sappeler de Gaulle en même temps. Cétait incompatible. »

Car oui, Charles de Gaulle a fait de la politique au Front national. Cela semble irréel, et il faut se répéter la phrase plusieurs fois pour y croire. Si elle n’épuise ni la vie ni le parcours du fils aîné de l’amiral Philippe de Gaulle, elle en dit long sur ce soldat inconnu de l’héritage gaulliste. Elle a secoué

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