Sa disparition pendant quelques heures (pour cause d’Alzheimer) a remis Marie-France Garaud dans l’actualité. Relisons lelong portrait paru dans Charles en 2013 de la femme qui fut, dans l’ombre, la plus influente des années 70.
Ces dernières années, celle à qui l’on prêtait le pouvoir de faire et défaire les ministres sous Georges Pompidou a surtout promené son tailleur Chanel et son éternel chignon sur les plateaux de télévision. Reconvertie en spécialiste de géopolitique, Marie-France Garaud n’a pourtant jamais vraiment cessé d’arpenter les coulisses de la vie politique depuis sa candidature à l’élection présidentielle de 1981. Mais, à 79 ans, son parcours reste invariablement lié à sa relation avec Jacques Chirac.
PAR OLIVIER FAYE PORTRAIT ADRIAN CRISPIN
On pensait qu’ils ne se par laient plus. Que depuis cette élection perdue au début de l’été 1979, la rupture était consommée avec Chirac. Avec son comparse Pierre Juillet, Marie-France Garaud ne l’avait-elle pas poussé à dénoncer à mots couverts Giscard et son « parti de l’étranger », du fond d’une chambre d’hôpital où Chirac se remettait d’un accident de voiture ? N’était-elle pas aussi responsable de ce désastreux appel de Cochin qui causa en partie la déroute du tout neuf RPR aux premières élections européennes ? N’avait-elle pas été ensuite éconduite dans des éclats de voix, accusée de trop durcir la ligne du porte-étendard de la famille gaulliste, – Chirac se lassant aussi d’être traité comme un petit garçon ignare par une femme de deux ans sa cadette ? Ne s’était-elle pas enfin présentée à la présidentielle de 1981 pour montrer son indépendance et jeter son gant au visage du maire de Paris, qui l’avait tant déçue ?
Plus que pour Pierre Juillet, un intermittent de la politique qui, de temps à autres, pouvait disparaître plusieurs semaines pour s’occuper de ses moutons dans la Creuse, la séparation s’était chez elle avérée brutale, presque physique. En réalité, Jacques Chirac et Marie-France Garaud se sont vus à de nombreuses reprises ces trente dernières années. On nous avait pourtant dit : « Méfiez-vous lorsque vous aborderez le cas Chirac avec elle, elle n’aime pas trop en parler. » Il vaut mieux attendre la fin de l’entretien, nous avait-on prévenus, sèche comme elle est, elle pourrait vous jeter manu militari hors de son grand appartement du quai Anatole-France, à deux pas de l’Assemblée nationale.
Ce qui serait quand même dommage. Par la fenêtre, la Seine semble vous mouiller les pieds tant elle est proche. Levez la tête et vous pourrez admirer la hauteur sous plafond du salon, digne des palais de la République. Baissez les yeux et vous verrez des chiens en bronze posés sur les tables basses et les commodes. C’est une passion de la maîtresse de maison. Les bronzes, pas les chiens. Dans la bibliothèque où se déroule l’entretien, Hundertwasser s’appuie sur Degas, Magritte côtoie de Gaulle et ses correspondances : tous les éléments nécessaires à une culture générale classique en termes d’art et d’histoire sont présents. « Je suis une provinciale issue de la moyenne bourgeoisie de robe », rappelle notre hôte en préambule. Derrière elle, sur une console, une photo en noir et blanc du général de Gaulle, canne à la main et imperméable noir au vent sur une plage de sa retraite irlandaise de 1969, donne de la gravité à la pièce.
La femme possède un caractère intransigeant, nul besoin d’utiliser le conditionnel. Depuis cinquante ans, nombre de ses interlocuteurs lisent dans les traits de son visage, tiré par cet éternel chignon haut, la marque de l’intelligence, certes, mais surtout celle du mépris. Combien de ministres ont redouté leurs entrevues avec celle qui conseillait Georges Pompidou, Premier ministre président de la République, moins par peur de s’entendre annoncer leur éviction que par celle d’être humiliés ? Dans son édition du 10 décembre 1973, l’hebdomadaire américain Newsweek la consacrait « femme la plus puissante de France », sur la base d’un livre écrit par l’ancien patron de l’ORTF, Arthur Conte, où les exploits de madame Garaud étaient contés. Toujours en tailleur, Chanel de préférence, elle respecte aujourd’hui, en bonne juriste, de strictes règles de vocabulaire. Non, elle n’a pas été la « conseillère » de Jacques Chirac.
Elle le répète, chaque fois ou presque, sur les plateaux de télévision où elle est conviée. L’expression vaudrait seulement si sa nomination avait été publiée en bonne et due forme au Journal Officiel. En la rejetant, Marie-France Garaud essaie surtout de se démarquer de ces années Chirac dont on lui parle sans cesse, de ce temps où, avec Pierre Juillet, elle a essayé de façonner un président à son image. Cette décennie qui va de la fin des années 60 à celle des années
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