Paul Laurent a été le n°2 du Parti communiste français, du temps où Georges Marchais le dirigeait. Son fils Pierre est maintenant aux commandes. Leurs deux vies racontent l’histoire du Parti, de la Libération jusqu’à nos jours. Portraits croisés du père et du fils qui se ressemblent beaucoup. Tous ceux qui ont eu la chance de connaître les deux ne manquent jamais de le constater.
PAR ARTHUR NAZARET
PORTRAITS PATRICE NORMAND
Franchement, il aurait pu le faire. Le prendre par le col et le virer de son bureau. Physiquement, l’affaire était jouable. En face, le journaliste n’était ni très grand ni très gros. Il était arrivé avant nous pour poser quelques questions à Pierre Laurent. Mais comme à chaque fois que ce dernier voulait parler de François Hollande, le journaliste lui passait une vidéo de Georges Marchais sur son ordinateur, le chef des cocos a fini par voir rouge.
Certes, derrière ses petites lunettes, Pierre Laurent n’est pas l’archétype du bodybuilder. « Pierre, je ne sais pas mais Paulo, son père, avait de sacrés poignets », nuance un ami de la famille Laurent. Comme Pierre Laurent était en bras de chemise, on a pensé à regarder ses avant-bras et c’est vrai que de ce côté là aussi, Paulo-le père et Pierre-le fils se ressemblent. « Dans les années 70, on menait des opérations pour empêcher les expulsions locatives. J’ai vu mon père soulever un huissier par le col, le faire décoller au point que ses pieds remuaient dans le vide et le mettre à la porte. Il le faisait très tranquillement et cela nous faisait beaucoup rire », sourit encore Pierre Laurent, paisiblement assis derrière son bureau.
D’habitude, quand le n°1 du PCF fait un rapide débriefing pour la presse, se placer tout près de sa bouche relève de l’impératif professionnel tant il parle bas. Là, ses paroles étaient audibles depuis la pièce d’à-côté. On s’était pris à rêver : on allait revenir avec un sacré scoop : Pierre Laurent molestant un de nos confrères ! Lui l’ancien rédacteur en chef de L’Humanité si placide, si respectueux de la presse. Finalement, pour toute brimade, Pierre Laurent a raccompagné le journaliste à l’ascenseur. On a cru entendre un mot comme « déontologie » mais le pire était passé. Une de ses anciennes fréquentations l’a vu une fois en colère : « Je l’ai vu se fâcher, c’était très étonnant, car ce n’était franchement pas violent. » On n’a donc rien raté. Ouf.
Cheval fou. En novembre 2014, lorsque Le Monde entreprend son portrait, le journal titre : « Pierre Laurent, une force tranquille au PCF ». En juillet 1990, lorsque Le Monde relate le décès de son père, souvent présenté comme le n°2 du Parti, le quotidien titre : « Laurent, la force tranquille du PC ». Si le journal du soir devait s’aventurer à parler des enfants de Pierre Laurent, Julien le magicien, Charlotte la militante ou Félix l’étudiant, on a une vague idée de ce qu’on pourrait lire au-dessus de la photo. Alors que Mélenchon peut, dans la même conversation, passer du tutoiement au vouvoiement, alterner le registre affectif et mélancolique avec un ton des plus combatifs, vous toucher l’avant-bras en guise de complicité, puis vous menacer le doigt tendu, Laurent, lui, est tout sauf un méditerranéen. Il est plutôt du calme apaisant dont on fait les lacs suisses. Ce duo qui a tenu tant bien que mal le temps d’une présidentielle peut en rappeler un autre. « Paul Laurent contrebalançait la fougue de
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