Gilbert Mitterrand : « Je n’ai jamais voulu tuer le père »

Paradoxalement, des trois enfants de Mitterrand, celui qui a le plus marché dans les pas de son père, est demeuré le plus discret. Député pendant vingt ans, maire de Libourne élu à quatre reprises, Gilbert Mitterrand n’a jamais voulu parler à ce qu’il appelle les « people-médias ». Alors qu’il vient de lâcher tous ses mandats, ce témoin privilégié de la conquête et de l’exercice du pouvoir par son père a accepté de se raconter. Pour la première fois, il évoque son parcours de « fils de Mitterrand » et sa relation très particulière avec « Dieu ».

PROPOS RECUEILLIS PAR ALEXANDRE CHABERT
PORTRAITS SAMUEL GUIGUES

Au cours de votre enfance, on imagine que la politique a une place prépondérante dans le quotidien familial. À quel moment comprenez-nous que votre père est un homme politique de premier plan?

Alors, au cas où vous ne le comprendriez pas tout seul, on vous aide bien. Dès que vous mettez le pied dehors, vous avez toujours un copain d’école, qui vous fera des remarques sur votre père… C’est même parfois le maître d’école, qui va émettre une réflexion. Alors on s’interroge : « Pourquoi il m’a dit que François Mitterrand était ceci ou cela ?… » Je lui en parle et il m’explique : « Ne te fais pas de soucis, c’est parce que j’ai voté contre le général de Gaulle. » À partir du moment où vous vous interrogez sur ces commentaires, vous êtes attentif aux discussions qu’il peut y avoir à la maison.

Est-ce qu’il n’y a pas eu un accélérateur dans votre conscientisation politique lors de l’affaire de l’attentat de l’Observatoire en 1959 ? Vous avez alors 10 ans. Comment avez-vous vécu ces événements ?

Oui, j’ai compris qu’on avait tiré sur mon père. À la maison, ça avait créé évidemment une grande émotion. Mais moi, je suis alors chez ma grand-mère maternelle à Cluny pour des raisons de santé. Des otites à répétition m’avaient valu une opération et une période de convalescence… Peut-être qu’aux yeux de mes parents, c’était mieux également pour ma sécurité que je ne sois pas à Paris.

Parce que Robert Pesquet, qui était en charge du faux attentat, aurait menacé votre père de s’en prendre à ses enfants s’il prévenait la police. 

Il paraît. Mes parents avaient effectivement peur que je me fasse kidnapper sur le chemin de l’école. Mais on ne m’a jamais présenté les choses ainsi. Ma grand-mère m’a juste dit : « Sois prudent, tu cours s’il y a quelqu’un qui t’embête. »

Vous avez fini par retrouver vos parents et le tumulte de Paris ?

Je suis finalement resté presque quatre ans à Cluny. Ma mère venait très régulièrement et mon père trouvait le moyen de venir déjeuner avec nous un week-end sur trois. Ce que je trouvais très drôle, c’est que quand il ne pouvait pas venir, il me déléguait son suppléant Pierre Saury  qui venait avec son épouse (Rires) !

C’est son député suppléant qui jouait le rôle de père suppléant !

Oui ! C’était comme la famille. Il y avait le même repas que lorsque mon père venait : le poulet à la crème, c’était la fête ! Mais même du temps où j’étais à Paris, mon père n’était souvent pas à la maison. « Papa tu es là demain ? » « Demain, je serai à Montpellier. » Je me disais : « Bon, bah c’est pour son boulot » et non « Papa, reste à la maison ! J’aimerais jouer aux dominos. » Non, j’ai vite compris instinctivement qu’il en était ainsi de sa vie, de son calendrier, de son rythme. Je n’ai pas connu autre chose.

Vous avez toujours eu un père absent finalement ?

Il n’était pas absent, il était « physiquement pas toujours présent », ce n’est pas pareil. Mais quand il était là, il y avait toujours quelque chose d’intense dans nos échanges. Pour me l’avoir dit, je sais qu’il revivait à travers mon enfance à Cluny ce qu’il avait vécu en Charente. Il aimait que je raconte mes courses dans les bois, mes pêches à la ligne ou que je lui décrive l’odeur de la pluie après l’orage.

Vous rejoignez ensuite vos parents à Paris quelque temps avant l’élection présidentielle de 1965…

En 1965, j’ai 16 ans, je suis en seconde, je ne peux pas passer à côté de

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