Gilbert Collard : « Moi, je suis un sale mec ! »

Pareil à un refrain d’une chanson de Julio Iglesias, Gilbert Collard affirme à qui veut l’entendre qu’il a «toujours défendu les mêmes idées». Pourtant, dans cet entretien sous haute surveillance à Charles, le député du Gard raconte avec sa verve de prétoire méridional un parcours d’avocat médiatique et de militant politique qui l’aura conduit du « gauchisme » jusqu’au « marinisme ». Et de la défense de Pierrette Le Pen contre son mari, à la présidence du comité de soutien de leur fille, en 2012.

PROPOS RECUEILLIS PAR MATHIEU DEJEAN ET DAVID DOUCET
PORTRAITS SAMUEL GUIGUES

Gilbert Collard n’est pas du genre à tergiverser. Quand il nous reçoit dans son appartement luxueux du VIèmearrondissement, l’avocat nous intime d’aller droit au but : « Allez-y, mais je vous préviens, si vous manquez d’objectivité, l’entretien se terminera aussitôt. » Attablé à son bureau, entre une bibliothèque bien fournie et une cheminée condamnée sur laquelle trône l’intégrale des œuvres de Molière en DVD, il branche un enregistreur, histoire de pouvoir vérifier notre retranscription. La méfiance caractérise le personnage. Sans doute un stigmate des nombreuses affaires médiatiques pour lesquelles il a plaidé, du démantèlement du SAC dans l’affaire de la tuerie d’Auriol à la défense de Charles Pasqua, de la défense du travailleur algérien Mohamed Laïd Moussa dans laquelle il a risqué sa vie , à celle du général tortionnaire Aussaresses pendant la guerre d’Algérie… Gilbert Collard n’en est pas à un paradoxe près. Ses engagements politiques en témoignent également : du PS au trotskisme (bien qu’il le démente), des radicaux valoisiens au Rassemblement bleu Marine la couleur du pull qu’il arbore ce jour-là. Et si derrière l’avocat et le politicien se cachait un très bon comédien, sa première vocation ?

Comment est née votre vocation de devenir avocat ?

J’ai été pensionnaire chez les pères maristes de 8 à 17 ans. On subissait une discipline que vous ne pouvez pas imaginer, ce qui ne m’a pas donné le goût de l’autorité. Un jour, on nous a octroyé l’autorisation de sortir le samedi soir, alors qu’avant on devait attendre le dimanche. On avait un prof qui s’appelait Guérini, et qui a décidé de créer « l’épreuve de la sabatine » pour obtenir la permission de sortir le samedi. Cette épreuve consistait à tirer au sort le nom d’un élève dans un tas de papiers, et à lui demander de parler latin. Si celui dont on tirait le nom au sort ne réussissait pas, il était privé de sortie. Je n’étais pas un bon élève, j’étais un élève indiscipliné, rebelle… Et chaque fois que j’avais la permission de sortir, mon nom était systématiquement tiré au sort. Au bout d’un moment je me suis dit que ce n’était pas possible, je ne pouvais pas croire que le sort s’acharne contre moi ainsi. Un samedi où j’avais l’autorisation de sortir, le professeur Guérini tire mon nom et pose la feuille de papier sur un coin du bureau. Je me précipite dessus et je le lis à haute voix : « Tisserand ». C’était le nom du neveu du cardinal Tisserand, haut dignitaire de la papauté à l’époque, qui était inscrit et non pas le mien. Furieux, je mets alors un pain au professeur.

Vous l’avez vraiment frappé ?

Je lui ai mis une gifle oui, ce qui ne se fait pas. J’ai subi une punition très lourde puisque j’ai fait un mois de cachot.

 Vous n’avez pas été exclu ?

Non car les pères ont considéré que j’avais moralement raison, mais juridiquement tort. J’ai accepté cette décision, car on ne lève pas la main sur un professeur. Mais pour compenser l’injustice dont j’avais été victime, ils m’ont octroyé une autorisation de sortir pendant deux mois. C’était intelligent : j’ai été puni, mais en même temps, ils ont reconnu la faute du professeur. Ce jour-là, j’ai compris qu’on ne pouvait pas faire confiance au pouvoir, qu’il n’y a pas d’institutions à l’abri de la malignité de l’homme, qu’un professeur, un magistrat, un général, peut être un sale con. Et ce jour-là, à l’âge de 11 ou 12 ans, j’ai décidé que je serai seul contre tous et que je lutterai contre les pouvoirs.

Ça sonne comme le

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