Relisons l’excellent portrait que lui avait consacré Charles en 2018 dans lequel tout était déjà écrit sur son rapport douteux aux femmes et sur son pire ennemi : lui-même.
PAR ASTRID DE VILLAINES / PHOTOS OLIVIER ROLLER
14 mai 2017, jour officiel de l’investiture d’Emmanuel Macron à l’Élysée. Gérald Darmanin regarde la cérémonie chez lui, à Tourcoing, devant sa télévision. La semaine précédente, il a voté « avec enthousiasme » pour Emmanuel Macron, contre Marine Le Pen. Sa ténacité face aux ouvriers de Whirlpool à Amiens et surtout le débat télévisé de l’entre-deux-tours l’ont impressionné. « Non seulement il l’emporte, mais il l’emporte sans facilité, sans choisir les poncifs de la gauche comme la morale. Il la démonte sur le fond, il l’a déconstruite pour plusieurs années », se souvient-il, six mois après le face-à-face. Sa famille politique n’a pas appelé franchement à voter pour Emmanuel Macron, certains voulaient même un vote blanc. Il est déçu. Il pense alors rejoindre le privé, ou briguer la présidence du parti, comme le lui conseille vivement l’un de ses plus proches en politique, Xavier Bertrand. Il est en tout cas loin, très loin de penser qu’il entrera au gouvernement trois jours plus tard. Un coup de fil aurait pourtant dû l’alerter.
« Allô, oui, c’est Édouard Philippe
– Oui, Édouard ?
– Est-ce que tu veux rencontrer Emmanuel Macron ?
– Non, ça va, je n’ai rien à lui demander.
– Tu ne l’aimes pas ?
– Ce n’est pas que je l’aime ou que je ne l’aime pas, c’est juste que si je vais le voir, au QG, avant son investiture, ça n’a aucun sens, je vais être pris en photo devant… »
« VOUS ÊTES LE MEILLEUR DE VOTRE GÉNÉRATION »
À ce moment-là, quelques jours avant la prise de fonction officielle du président élu, Gérald Darmanin ne se doute pas qu’Édouard Philippe discute avec lui. C’est un autre coup de fil, deux heures après la cérémonie du dimanche 14 mai, qui va lui mettre la puce à l’oreille. « Tu as rendez-vous ce soir, à 18 heures avec le président de la République », lui annonce son ami de dix ans, Édouard Philippe, encore maire du Havre, lui-même pas encore certain à cet instant de devenir le premier Premier ministre du président En Marche ! Gérald Darmanin y va, bien évidemment. Il a déjà rencontré François Hollande, il ne va pas refuser une telle invitation. De toute façon, « ça ne coûte rien, et je ne serai pas ministre d’un Premier ministre de gauche de type Ferrand ou Castaner », se dit celui qui, il y a quelques mois encore, soutenait Nicolas Sarkozy à la primaire de la droite. « Je pense alors que je vais être reçu par un conseiller, je ne suis même plus parlementaire… »
Raté, c’est Emmanuel Macron en personne qui le reçoit, pendant plus d’une heure, en tête à tête. « Il est impressionnant. Il vous regarde droit dans les yeux, vous fixe avec ses yeux bleus, vous serre la main sans la lâcher. Il a un charme incomparable », affirme aujourd’hui le ministre. « Vous êtes le meilleur de votre génération », lui aurait soufflé Emmanuel Macron pour l’amadouer. « Avec le Premier ministre, on a pensé à vous pour le ministère de l’Action et des comptes publics. » Gérald Darmanin tombe de sa chaise. « Je me dis : “Où est la caméra cachée ?” » s’amuse-t-il avec le recul. « Monsieur le Président, puis-je vous demander qui est le Premier ministre ? », « C’est Édouard Philippe », lui annonce Emmanuel Macron, alors que celui-ci n’est pas encore officiellement au courant. La donne a changé dans la tête du jeune homme de 34 ans. « J’ai alors dit cette phrase idiote : “Je vais réfléchir, Monsieur le Président” ». « Vous allez réfléchir, mais la nomination, c’est mardi. Donc à mardi ! » conclut Macron dans un sourire.
Gérald Darmanin comprend que celui qui a soufflé son nom à Emmanuel Macron est Édouard Philippe. « Quand on te propose le budget à mon âge, tu ne peux pas refuser », se justifiera-t-il plus tard selon le député LR Damien Abad, déçu par le choix de son ancien collègue de rejoindre la majorité avant les législatives qui vont affaiblir durablement la droite. « Le parti ne lui aurait jamais donné un tel poste », concède l’ancien « cadet Bourbon », club politique fondé en 2013 à l’Assemblée nationale avec Gérald Darmanin quand ils étaient jeunes députés. « Il n’hésite pas un quart de seconde, il est très heureux », confirme Thierry Solère, député LREM, très proche de Darmanin. À la sortie de l’Élysée, le jeune loup passe trois coups de fil. D’abord, à Édouard Philippe. Puis, à Xavier Bertrand : « Il m’a demandé mon avis, je lui
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