Cédric Villani : « La politique est une science »

Il était, jusqu’à sa défaite aux municipales, l’un des visages les plus connus de la vie politique française. Mathématicien, européen convaincu, fédéraliste, ancien candidat dissident LREM à la mairie de Paris, le député ex-macroniste Cédric Villani nous raconte ici, avec toute la rigueur scientifique qui est la sienne, ses premiers pas à l’Assemblée nationale qui se sont pour ainsi dire confondus avec ses premiers pas en politique. Interview par Clémence de Blasi. Photo Samuel Guigues. 

Vous êtes issu de la société civile, mais avant de devenir député de la 5ème circonscription de l’Essonne, vous étiez déjà considéré comme un expert scientifique ou une star par de très nombreux Français. Cette notoriété de mathématicien « vu à la télé » a-t-elle servi votre élection ?
Oui, certainement. Le fait d’être déjà connu d’une partie des électeurs m’a donné accès au débat national beaucoup plus facilement. Il faut se remettre dans le contexte des élections législatives : tout s’est décidé très tard, les investitures notamment. J’ai commencé à travailler sur ce dossier-là depuis Vancouver, où je me trouvais fin avril pour une série de conférences. J’ai commencé ma campagne en téléphonant aux responsables de comités, en prenant des contacts. Je devais jouer avec le décalage horaire : je me levais très tôt le matin pour passer deux heures de coups de fil tous les jours. C’est également depuis le Canada que j’ai choisi mon directeur de campagne (Thomas Friang – NDLR), que j’avais déjà côtoyé dans les cercles fédéralistes européens. Je suis rentré en France le jour du second tour de l’élection présidentielle. C’est seulement là que la campagne pour les législatives a vraiment commencé pour moi, même si je n’avais pas encore été officiellement investi. C’était pressenti, disons. Ensuite, tout est allé extrêmement vite. Nous n’avions qu’un mois devant nous, il fallait être très rapide. Comme je n’avais pas le temps de mener une campagne classique sur le terrain, d’aller à la rencontre des gens, il est vrai que les médias nationaux m’ont fait gagner un temps considérable. C’est en cela que ma notoriété m’a aidé, elle m’a permis d’attirer l’attention des médias, qui se disaient : « Ah oui, c’est le mathématicien ! »

Qu’est-ce qui vous a décidé à vous présenter à ces élections ?
J’ai longtemps hésité avant de me lancer, plus que d’autres. La marche était difficile à franchir. Je connaissais Emmanuel Macron depuis 2013, j’avais été approché et en contact avec certains membres de son équipe. On me disait que j’avais le profil, d’autant que j’étais du côté de Saclay, une circonscription emblématique. Malgré tout, j’ai hésité. Paradoxalement, c’est peu de temps avant le premier tour de la présidentielle, au moment où la situation était la plus confuse, que je me suis décidé. On ne savait pas du tout ce qui allait se passer entre Macron, Fillon, Le Pen, ça bougeait sans arrêt. On voyait le PS s’effondrer, les extrêmes se réaffirmer, et on finissait par se  dire : « On va avoir droit à une finale Le Pen/Mélenchon. » Ce qui était tout à fait possible. Je me sentais tellement inquiet que je me suis dit que le moment était venu de s’engager à fond, d’arrêter mes atermoiements et d’aller jusqu’au bout de la démarche : il fallait se présenter. L’une des raisons majeures qui expliquent mes tergiversations, c’est le défi de faire en sorte que tout le monde vous aime. Il y a les gens qui ne vous apprécient pas par nature, et ceux dont vous allez prendre la place. Donc vous allez nécessairement vous faire attaquer. Le combat politique, c’était quelque chose de nouveau pour moi. En plus, j’étais le directeur d’une institution publique (l’institut Henri-Poincaré, l’une des plus prestigieuses structures dédiées à la recherche en mathématiques et en physique théorique – NDLR). Dans ce cas-là, il est encore plus délicat de s’engager en politique. Est-ce que je n’allais pas mettre l’institution en péril ? Est-ce que j’allais parvenir à dissocier l’image de l’institut de mon image personnelle ? J’ai dû m’expliquer devant mes troupes qui se demandaient ce qui se passait : « Qu’est-ce qu’il fait, le patron ? » Ce n’était pas un moment facile…

« L’avenir de l’Europe passe par la France, et

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