Il était une fois la Révolution

Aussi dévitalisé qu’une dent creuse, le mot « révolution » traîne aujourd’hui partout sur la couverture des livres à la manière d’une catin transparente. Pendant ce temps, le linguiste et philosophe Jean-Claude Milner publie un essai important : Relire la Révolution (Verdier). Il s’agit bien évidemment de la Révolution française, la seule méritant à ses yeux une majuscule, grâce à la Déclaration des Droits de l’homme et l’abolition de l’esclavage. L’occasion pour Charles d’aller discuter avec cet ancien maoïste pour approfondir ses théories et envisager plus sereinement l’actualité révolutionnaire.

PAR ARNAUD VIVANT
PHOTOS NADEGE ABADIE

Nous sommes le samedi 3 décembre 2016 à Santiago de Cuba. Ségolène Royal, ministre de l’Environnement, est la représentante du gouvernement français aux obsèques de Fidel Castro. Et voici ce qu’elle déclare notamment : « Grâce à Fidel Castro, les Cubains ont récupéré leur territoire, leur vie, leur destin. Ils se sont inspirés de la Révolution française sans pour autant connaître la Terreur qu’il y a eue pendant la Révolution française. » Tollé sur les réseaux sociaux. À tort. Par cette déclaration, Mme Royal s’inscrit dans le droit fil d’un dénigrement de la Révolution française à cause de la Terreur, 1793 venant pour ainsi dire annihiler 1789, une critique qui ne fait que s’amplifier depuis une quarantaine d’années dans notre pays. Ce qui s’appelle jeter le bébé avec l’eau du bain de sang. Il y a d’ailleurs eu quelques polémiques à ce sujet. On se souvient peut-être, par exemple, de la colère presque enfantine de Jean-Luc Mélenchon à l’encontre du jeu vidéo Assassin’s Creed Unity qui se déroulait durant la Révolution française. Le leader du Parti de gauche écrivait alors sur son blog : « C’est de la propagande contre le peuple. Le peuple, c’est des barbares, des sauvages sanguinaires. Et celui qui est notre libérateur à un moment de la Révolution, Robespierre, est présenté comme un monstre ! Robespierre a juste donné le droit de vote aux Juifs, aux comédiens, a juste proposé le droit de vote des femmes, et il s’est trouvé être un des responsables, ils étaient douze, du Comité de salut public. Et donc on accable Robespierre parce que c’est la figure la plus allante de la Révolution et donc on dénigre pour dénigrer ce qui nous rassemble, nous, les Français ! C’est une relecture de l’Histoire en faveur des perdants et pour discréditer la République une et indivisible. » Et Mélenchon de conclure : « Le dénigrement de la grande Révolution est une sale besogne pour instiller davantage de dégoût de soi et de déclinisme aux Français. Si l’on continue comme ça, il ne restera aucune identité commune aux Français à part la religion et la couleur de peau ».

On l’a dit, l’affaire ne date pas d’hier. Historiquement, on pourrait la faire débuter en 1963 lorsque Hannah Arendt, fraîchement émigrée aux États-Unis, publie De la révolution, un essai où l’ancienne maîtresse de Heidegger tresse les louanges de la révolution américaine par rapport à la nôtre. Elle écrit : « La triste

Vous voulez lire la suite ?

Profitez de tous les articles de Charles en illimité !

Inscrivez-vous et bénéficiez de 8 semaines d’essai gratuit sans aucun engagement.
Recevez chaque semaine Charles l'hebdo

Essai gratuit 8 semaines

Acheter l'article
pour 3€

Acheter

Tout Charles en illimité
L’hebdo, les podcasts, le site
Dès 6€ / mois

S'abonner

Vous avez déjà un compte ? Identifiez-vous

X